Près d'un demi-million d'entreprises ont été déclarées en faillite au mois d'avril. Pour la première fois depuis la fin de la Révolution culturelle en 1976, l'économie est en contraction car les exportations, après avoir manqué aux marchés américains et européens, ont fini par ne plus pouvoir s’écouler une fois le monde confiné.
Le confinement a coïncidé avec la période du Nouvel an, durant laquelle des centaines de millions de chinoisES rentrent dans leurs provinces d’origine. Parmi eux, une bonne partie des 290 millions de « Mingong » ou travailleurEs migrants. Les deux tiers d’entre elles et eux viennent des campagnes vers les villes du littoral pour travailler dans les entreprises de textile, de logistique, du bâtiment ou de l’électronique. Ces travailleurEs ne bénéficient que rarement d’un contrat de travail et n’ont pas de permis de résidence « Hukou » ce qui leur interdit l’accès aux prestations sociales dont la santé et l’éducation. Avec la levée progressive du confinement, des trains bondés et des bus spécialement affrétés ont rapatrié les Mingong dans les usines du littoral.
Des millions ont été témoins de la gestion catastrophique de la crise sanitaire par les autorités : une réalité insoutenable malgré le maquillage de la propagande. La colère déclenchée par la mort du docteur Li Wenliang qui avait lancé l’alerte au sujet d’une probable épidémie et tout comme la forte popularité du blog quotidien de la journaliste Fang Fang, qui a critiqué de la situation sanitaire à Wuhan sont marquantes.
Diplomatie et exportation
Pékin mène, pourtant, une vaste campagne sur sa gestion « irréprochable » de la crise sanitaire et elle s’accompagne d’envoi de matériel médical ou de délégations sanitaires à des pays africains (et à l’Italie). De leur côté, les dirigeants des pays occidentaux n'ont eu de cesse de déplorer la centralité de la Chine dans la chaîne de production mondiale, regrettant dans le discours du moins leur dépendance aux produits chinois de première nécessité. Trump, de son côté, a été plus offensif en parlant de « Kung-Flu » et multipliant les fake news sur l’origine douteuse du virus qu’il attribue à un laboratoire chinois à Wuhan.
Tout cela sur fond de guerre commerciale avec les États-Unis, déclenchée en 2018, et qui a abouti à un premier accord en janvier 2020. Le deal côté chinois étant d’accroître de 200 milliards de dollars ses importations de produits américains d’ici 2022. Côté français, le ministère de la Santé et de l’Économie ont annoncé le 18 juin dernier de premières mesures pour la relocalisation en France de chaînes de production de la santé, comme le paracétamol produit à 50% en Chine (et à 30% en Inde).
Crise économique et sociale
Depuis quelques semaines, Xi Jinping annonce que la priorité est de tourner la production vers le marché intérieur. Son Premier ministre Li Keqiang n’a eu qu’une expression en bouche pendant l’assemblée nationale populaire annuelle qui s’est tenue durant une dizaine de jours fin mai : priorité à l’emploi. Il précisera par la suite ce qu’il entend par là : « de nouvelles formes d’emploi et d’activité [à travers] l’économie des petits boulots », comprendre développer l’économie des vendeurEs à la sauvette.
La banque d’investissement chinoise Zhongtai Securities estime le taux de chômage à 20% (près de 70 millions de travailleurEs) tandis que le taux déclaré est de 5-6%. Selon les déclarations officielles d’avril 2020, le gouvernement n’a accordé l’assurance chômage qu’à 2,3 millions dont seulement 67 000 travailleurEs migrants. Pour beaucoup, les heures supplémentaires (très pratiquées pour compléter des salaires de misère) ne suffisent plus pour gagner le minimum vital. Les coupes dans les salaires deviennent monnaie courante. Sans parler de celles et ceux qui ne sont pas payés du tout.
Selon le Labour China Journal, des mouvements de contestation sur les arriérés de salaires touchent les secteurs des services et des transports. Ce fut le cas dans une chaîne de fast-food pékinoise, dans un hôpital privé à Zibo (Shandong), dans une usine de masques à Kunshan (Jiangsu), chez le géant de la livraison Meituan à Tonghua (Jilin), dont les employéEs réclamaient le paiement de plusieurs mois de salaires.