Publié le Dimanche 24 novembre 2013 à 11h11.

Argentine : défaite du gouvernement, percée de la gauche révolutionnaire

Le 27 octobre ont eu lieu les élections partielles en Argentine. Elles ont marqué une défaite importante du gouvernement de Cristina Kirchner, ainsi qu’un très bon résultat de la gauche révolutionnaire.Image retirée.

Les résultats de la présidente sont passés de 54 % en 2011 à 32 % à peine. Il y a eu une poussée de l’opposition de droite et de secteurs dissidents du péronisme. Nous sommes clairement dans une « fin de cycle » des gouvernements Kirchner qui ont dirigé le pays les dix dernières années. Même si elle ne s’exprime pas de façon aussi ouverte qu’en Europe, la crise capitaliste touche bel et bien l’Argentine. La politique du gouvernement, faite de de subventions et de concessions à l’impérialisme est en banqueroute tandis que les classes dominantes discutent de la meilleure méthode pour faire payer la crise aux travailleurs. Dans ce cadre, le très bon résultat de la gauche révolutionnaire, liée à une intervention indépendante du mouvement ouvrier, autour d’un programme anticapitaliste, est une excellente nouvelle.

Résultat historique et élus révolutionnairesLe Front de gauche et des travailleurs (FIT) — composé par le Parti ouvrier (PO), le Parti des travailleurs socialistes (PTS) et la Gauche socialiste (IS), ainsi que par d’autres groupes politiques — avait obtenu plus de 900 000 voix lors des élections primaires d’août (voir l’Anticapitaliste n° 208 du 12 septembre 2013). Ce score est monté à 1,2 million de voix (soit 5 % au niveau national), avec des résultats encore plus remarquables dans certaines régions : Salta (19 %), Mendoza (14 %), Santa Cruz (11 %) et Neuquén (10 %) et plus de 500 000 voix dans la région stratégique de Buenos Aires avec ses 37 % de la population et la plus grande concentration industrielle du pays. Les meilleurs scores du FIT se sont concentrés notamment dans les zones ouvrières et populaires.Ces résultats ont permis l’obtention de trois députés au Parlement national (voire un quatrième à Cordoba, où le FIT possède des preuves de fraude de la part d’autres partis) et plusieurs députés et sénateurs au niveau des régions. Les sièges obtenus fonctionneront en rotation entre les différentes composantes du FIT. L’enjeu central sera néanmoins de mettre cet acquis au service de l’intervention dans la lutte de classes, au sein des syndicats et des usines, dans les quartiers et au sein du mouvement étudiant.

Succès d’un pari stratégiqueCe n’est pas la première fois que la gauche argentine dans son ensemble obtient de bons résultats électoraux. Depuis la période ouverte en 1983 par la chute de la dictature militaire, il y a eu deux moments de crise aiguë – en 1989 et en 2001 – pendant lesquels l’extrême gauche a pesé électoralement. Mais dans les deux cas, c’était en alliance avec le Parti communiste, qui défend une ligne de conciliation de classes, avec un programme seulement démocratique. Au contraire, le FIT  a fait le pari d’un front clairement délimité autour de l’indépendance de classe et de l’anticapitalisme. Son programme part des revendications immédiates des travailleurs pour les lier à la nécessité d’un gouvernement des travailleurs et à une perspective socialiste.Ce choix a été critiqué comme étant « sectaire » par certains secteurs de la gauche argentine qui depuis des années impulsent des alliances avec des secteurs réformistes dans des « fronts larges », de même que par des variantes nationales du chavisme qui défendent un « soutien critique » au gouvernement des Kirchner. Ces deux tendances ont subi un échec important aux élections.

Transformer le succès électoral en force militanteLa gauche révolutionnaire et anticapitaliste a émergé électoralement et dispose d’une tribune pour défendre les intérêts des travailleurs. Cela se produit avant même que la crise frappe de manière plus ouverte l’Argentine, ce qui constitue une opportunité importante.En Argentine, la classe ouvrière vient de la tradition péroniste (nationaliste-bourgeoise). Les bons résultats du FIT montrent que celui-ci devient une expression de franges militantes, minoritaires mais significatives, de travailleurs, de jeunes et des couches populaires. Un processus de rupture sur la gauche avec le kirchnerisme est en cours. La séparation traditionnelle entre lutte politique et syndicale semble être en train de s’atténuer, ce qui permet d’avancer dans la fusion entre la gauche révolutionnaire et le mouvement ouvrier.

Daniela Cobet et Marcelo N.