Depuis 2015, Mohamed Ben Salman, MBS, « l’homme fort » de l’Arabie saoudite, mène une sale guerre au Yémen.
Une guerre contre les Houthis, soutenus par l’Iran, mais surtout une guerre pour assoir son nouveau pouvoir. Une guerre pour montrer aux USA qu’il est le seul vrai rempart face aux jihadistes et aux révolutions, et qu’il n’y a rien à espérer du côté de l’Iran, réintégré en 2015 par Barak Obama dans le jeu régional, avec l’accord sur le nucléaire. Une guerre qui a fait des milliers de mortEs, déclenché une terrible épidémie de choléra, amené à la famine 11 millions d’enfants yéménites, mais une guerre qu’il est incapable de gagner.
L’armée du premier importateur d’armes de la planète, avec 65 milliards de dollars, a montré qu’elle ne voulait pas se battre au Yémen, dès qu’elle y a eu ses premiers mortEs. Alors l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis mènent leur sale guerre, en bombardant hôpitaux et marchés, mais aussi en finançant milices tribales, groupes sunnites jihadistes, mercenaires colombiens ou milices soudanaises janjawis de sinistre réputation. Une guerre qui dure depuis 4 ans. Une guerre qu’ils ne peuvent gagner. Même si elle est soutenue par les USA de Trump, mais aussi par le renseignement militaire français avec ses satellites Hélios, les canons Caesar de Nexter et les corvettes repeintes aux couleurs émiraties. Sa coalition se fracture. À Aden, milices sunnites, soutenues par l’Arabie saoudite, et indépendantistes du Sud soutenus par les Émirats, pourtant alliés, s’affrontent à l’arme lourde !
Soutien de l’Iran aux Houthis
Le 14 septembre, une vague de drones et de missiles frappaient deux des plus grands sites pétroliers de l’Arabie saoudite, à Khurais et Abqaiq. L’Arabie saoudite de MBS, premier exportateur de pétrole du monde, et la société pétrolière Aramco perdaient ainsi 50 % de leur capacité de production. La perte de 5 % de la production mondiale faisait monter les prix du pétrole. L’introduction en Bourse de 5 % de l’Aramco, promise par MBS, s’éloignait encore un peu… Les Houthis ont revendiqué cette attaque de missiles et de drones. Ils avaient déjà attaqué deux stations de pompage d’un oléoduc en mai, l’aéroport de Abha en juin, le champ de pétrole de Shaybah en août. Que les missiles viennent en réalité du Yémen ou des milices chiites d’Irak, le conflit est porté sur le territoire de l’Arabie saoudite. Cette progression fulgurante des capacités balistiques des Houthis n’a été possible que grâce à l’aide militaire de l’Iran.
Pour expliquer cet appui des Gardiens de la révolution islamique aux Houthis, il ne faut pas chercher d’abord du côté d’une solidarité « chiite », tant l’islam chiite duodécimain des Iraniens est éloigné de l’islam chiite des Houthis zaïdites, très proche du sunnisme. Ce n’est réellement que depuis 2012, quand la dictature syrienne de Hafez el-Assad a été confrontée à la révolution, puis à de multiples groupes jihadistes financés notamment par l’Arabie saoudite, que les mollahs, qui ont sauvé militairement et financièrement la dictature syrienne, ont commencé à soutenir les Houthis. Comme une manière de mettre une épine dans le pied de l’Arabie saoudite, de compenser leurs faiblesses défensives face à ce pays par l’entretien de foyers de conflits.
L’échec de Mohamed Ben Salman
Ce qui ne veut pas dire, loin de là, que les Houthis sont de simples pions dans les mains de l’Iran. S’ils ont pris le pouvoir à Sanaa en 2014, ce n’est pas grâce aux Iraniens. Ils ont d’abord profité du discrédit du nouveau président Hadi, soutenu par l’Arabie saoudite, installé contre la révolution de 2011, et qui venait de monter les prix du gaz et du pétrole, sur injonction de la Banque mondiale. Ils ont aussi bénéficié des forces militaires de l’ancien dictateur Ali Abdellah Saleh, abandonné par Ryad au profit de Hadi, le même Saleh qui les bombardait quelques années auparavant, au nom de la lutte contre le terrorisme, et qui a vu dans ce retournement d’alliance le moyen de se réintroduire dans le jeu politique yéménite.
Les bombardements des grands sites pétroliers de l’Arabie saoudite signent d’abord l’échec de Mohamed Ben Salman, dans ses opérations guerrières au Yémen pour isoler l’Iran, comme il avait échoué à isoler le Qatar, à étouffer l’assassinat de Jamal Khashoggi, à retenir en résidence surveillée le Premier ministre libanais Saad Hariri. Mais ces bombardements font une démonstration plus stratégique. Les USA de Trump sont incapables de protéger les puits de pétrole du premier exportateur de pétrole au monde, son allié le plus fidèle, le principal destinataire de ses ventes d’armes ! Mais dans ce bras de fer indirect entre l’Iran, l’Arabie saoudite et les USA, ce sont les peuples qui payent l’addition de la guerre.
Frank Cantaloup