Le bras de fer entre Tsipras et les patrons de la zone euro aura été une véritable démonstration de la nature de l’Union européenne : une construction au service d’une classe contre une autre, une gouvernance autoritaire, néocoloniale dans sa haine de la souveraineté populaire. Plus que jamais à combattre avec détermination !
L’autoritarisme au service du capital...
Dès le traité de Rome en 1957, les dirigeants européens annonçaient la couleur en termes politico-économiques et démocratiques. L’union sera celle de « la concurrence libre et non faussée » et dirigée par le Conseil et la Commission européenne, sans contre-pouvoir législatif puissant et indépendant.
De traité en traité, l’Union européenne a été instituée, loin des peuples, au service de l’économie capitaliste, et joue un rôle essentiel pour le capitalisme financier. Tout prêt à un État, notamment à travers le mécanisme européen de stabilité (MES), l’est d’abord pour financer sa dette. Ainsi en Grèce, 95 % de l’argent prêté est revenu dans les caisses des banques ! Pire, cette aide financière est soumise à des « conditionnalités impératives » : argent contre privatisations, casse du code du travail, baisse drastique du prix de la force de travail par le développement d’un chômage de masse, baisses de salaires et du montant des retraites...
Aujourd’hui cela va encore plus loin avec le rapt de la souveraineté nationale, véritable coup d’État : ce sont les institutions européennes qui dictent les lois et le calendrier, avant la fin juillet, que doit adopter le Parlement grec. Et par la suite, il devra soumettre à leur approbation tout nouveau projet de loi. C’est elles encore qui vont gérer les 50 milliards d’actifs grecs afin qu’ils servent aux privatisations. Ce nouveau mémorandum est bel et bien un approfondissement de l’austérité. C’est pour cela qu’il n’y a pas d’autre voie que de décider d’arrêter de payer encore et encore cette dette illégitime, odieuse et insoutenable.
… rejeté par les peuples quand ils ont la parole !
Aucun des traités n’institue d’espaces de confrontation entre des intérêts contradictoires. Et les luttes à l’échelle de l’Europe demeurent quasi inexistantes. C’est pourquoi les référendums sont vécus par les peuples européens comme une occasion de refuser les diktats... et qu’ils sont analysés par les dirigeants européens comme l’irruption d’une rébellion populaire qu’ils pensaient éteinte, le retour tant redouté de la question sociale et politique.
Le mépris des peuples et de leur droit à décider est tel que lorsque les peuples irlandais, en 1992, et danois, en 1999, ont voté Non au référendum qui leur était proposé, leurs gouvernements les ont obligés à revoter l’année suivante ! On sait aussi ce qu’il en a été du Non français au Traité constitutionnel européen il y a 10 ans...
Le « Oxi » grec, vote de classe, vote légitime de celles et ceux qui savent ce qu’est l’austérité dans leur vie, n’était pas plus acceptable par les dirigeants européens. Pendant le round de ce week-end, ils ont laissé libre cours à leur violence de classe à travers les exigences et le mépris, jusqu’à l’humiliation à l’égard de Tsipras, pourtant légitime par son élection du 25 janvier et le résultat du référendum du 5 juillet. La démocratie, la volonté du peuple grec, a été exécutée « pour l’exemple » ! L’accord signé est donc un mauvais accord. Tsipras n’a pas respecté le mandat qui lui avait été donné. Il n’y a que deux voies possibles face à l’UE : celle de la capitulation sans fin ou celle de l’affrontement.
Être solidaire, lutter contre l’austérité ici et là-bas
Des manifestations, des appels à rejeter l’accord se développent en Grèce et au-delà, et si le peuple grec choisit l’affrontement, il choisira aussi ses propres moyens de lutte. L’éventualité d’une sortie de l’euro est posée par une partie de la gauche radicale grecque. L’euro est un instrument politique de domination des peuples, au cœur de la construction européenne qui remet en cause complètement la volonté du peuple grec souvent exprimée : « pas de sacrifice pour l’euro ». Aujourd’hui, les sacrifices consentis pour rester dans l’euro sont énormes, et nul doute que lors des mobilisations, la question de la sortie de la zone euro et celle du chemin pour y parvenir va être débattue.
En tant que militants anticapitalistes, l’annulation de la dette, le contrôle social de la banque centrale grecque, une réforme fiscale d’ampleur qui permette de faire enfin payer les 1 % les plus riches, le contrôle des mouvements de capitaux, seraient les premières mesures qui pourraient permettre une mobilisation des travailleurEs et du peuple pour aller plus loin. Nous devons montrer notre solidarité au peuple grec, de la manière la plus large possible, en nous battant ici aussi contre l’austérité made in France et en dénonçant le rôle cynique joué par Hollande dans les négociations. L’enjeu reste bien la construction d’un mouvement européen de lutte contre l’austérité.
Roseline Vachetta