Publié le Dimanche 11 octobre 2009 à 11h33.

Brutale répression en Guinée

Le bilan est effroyable : au moins 157 personnes ont été tuées, lundi 28 septembre dernier, à Conakry, en Guinée, selon les chiffres donnés par les ONG sur place. Les hôpitaux indiquent parfois même des chiffres supérieurs, puisqu’un certain nombre de morts et de blessés ont été enlevés des cliniques par des militaires et conduits dans un lieu inconnu. En janvier et février 2007 la grève générale organisée par les puissants syndicats du pays s’était déjà soldée, suite à la répression brutale du pouvoir, par plus de 120 morts.

Le 28 septembre est un jour de fête nationale en Guinée. C’est le jour où le pays commémore le référendum de 1958, quand le peuple guinéen a voté pour l’indépendance vis-à-vis de la France. Ce jour-là, on se rappelle les grands espoirs qui avaient accompagné la décolonisation dans ce pays, dont une bonne partie a été terriblement déçue par les pouvoirs successifs. C’est en ce jour emblématique que l’armée a ouvert le feu sur un rassemblement de l’opposition qui avait été interdit, à la dernière minute, par le pouvoir, au stade de Conakry. Des soldats ont tiré à balles réelles sur des dizaines de milliers de personnes. En dehors des personnes tuées, on déplore aussi plus de 1.200 blessés par balle.

Ce massacre détruit de façon brutale toutes les illusions d’une évolution pacifique et démocratique, dont serait porteur le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), le gouvernement militaire au pouvoir depuis le 23 décembre 2008, date à laquelle a été annoncée la mort de l’ancien président Lansana Conté. Au début, l’arrivée du CNDD pouvait faire espérer une amélioration de la situation de ce pays d’Afrique de l’ouest, riche en matières premières, mais dont la population est en grande majorité pauvre. Elle faisait suite à un régime corrompu et dictatorial, dans un pays qui n’avait connu que deux présidents en plus de 50 ans d’indépendance : Sékou Touré, ancien militant syndicaliste et anticolonialiste devenu autocrate ; et Lansana Conté qui lui succéda. Surtout, les jeunes officiers du CNDD promettaient, au début, de rendre le pouvoir aux civils rapidement, après une période transitoire qui devait être mise à profit pour démanteler les réseaux de corruption. Aujourd’hui, force est de constater que les militaires s’accrochent au pouvoir et ne tiennent pas les promesses données au début de la « période de transition ». Surtout, ils répriment eux-mêmes violemment les forces politiques civiles. Moussa Dadis Camara, le « jeune » chef de la junte militaire, avait promis qu’il ne serait pas candidat à la future élection présidentielle en 2009. Or, l’élection présidentielle, initialement prévue pour cet automne, a finalement été reportée à janvier 2010… et n’a donc pas lieu « en 2009 ». Le chef du gouvernement militaire pourra donc se présenter et tenter de faire légitimer son maintien au pouvoir.

De sont coté, la France essaye depuis en certain temps de renouer les liens avec ceux qui règnent en Guinée. La bauxite, première richesse naturelle du pays dont on extrait l’aluminium, a été davantage exploitée par les Soviétiques puis les Russes, mais aussi les Américains, plutôt que par les Français. Quand, en réaction au massacre du 28, Paris a annoncé son interruption de la coopération militaire, on a ainsi appris – pour la première fois officiellement – que la dite coopération avait été reprise, impliquant même des livraisons d’armes effectuées en 2008. Aujourd’hui, le pouvoir français semble être divisé concernant l’attitude à adopter vis-à-vis du régime guinéen. Bernard Kouchner, mais aussi Alain Joyandet (ministre de la Coopération) condamnent la répression. Mais pas plus tard que le 17 septembre 2009, Patrick Balkany – le maire UMP de Levallois qui sillonne depuis plusieurs mois l’Afrique en mission pour Nicolas Sarkozy mais sans aucun mandat officiel – a reçu le numéro 2 de la junte guinéenne à Paris. A cette occasion, il l’a rassuré sur le fait que la candidature de Dadis Camara aux élections pour faire légaliser son pouvoir « ne pose aucun problème ».

Pour nous, plus que jamais, la solidarité et le soutien au peuple, aux forces politiques civiles qui luttent pour une véritable démocratie, aux associations et aux syndicats guinéens s’impose. Dadis Camara doit respecter le processus de transition et remettre dès à présent le pouvoir à un gouvernement civil ; les forces répressives, dont la garde présidentielle, doivent être immédiatement démantelées ; et une commission d’enquête doit être mise sur place pour identifier et traduire en justice les auteurs de ces meurtres et actes de violence. La solution passe par un gouvernement civil de transition regroupant les partis politiques sous le contrôle des organisations syndicales, des structures de quartier, des associations démocratiques de la société civile. La tâche de ce gouvernement devrait être d’œuvrer à la mise en place d’élections réellement démocratiques, ce qui serait une première depuis l’indépendance du pays. Le NPA sera dans tous les cas partie prenante des actions de solidarité avec le peuple de Guinée.

Bertold de Ryon