Publié le Vendredi 9 décembre 2011 à 15h17.

Ça bouge dans les pays du Golfe

Il y a de la vie dans le… désert politique. Les pays du Golfe sont, tous, gouvernés par des monarchies plus ou moins réactionnaires voire ultra-réactionnaires. Néanmoins, dans la plupart d’entre elles, il y a eu relativement peu de mouvement depuis le début de l’année, alors que d’autres pays arabes ont vécu d’intenses processus politiques et sociaux. L’une des raisons principales réside dans le fait qu’une partie non négligeable de la population des pays du Golfe vit toujours dans des situations matérielles relativement confortables, grâce aux revenus du pétrole et une main-d’œuvre immigrée surexploitée et parfois quasiment réduite en esclavage.

Deux pays de la région avaient néanmoins vécu un bouillonnement politique et social au cours du Printemps arabe de 2011, le Bahreïn – pays dont les ressources pétrolières sont déjà en cours d’épuisement et où beaucoup de salaires sont faibles – et le sultanat d’Oman. Dans les autres monarchies du Golfe, c’est souvent un mélange entre une répression dure et des moyens financiers considérables, utilisés par les régimes pour « acheter la paix sociale », qui a endigué la contestation.

Depuis quelque temps, il y a néanmoins une remontée des luttes et des protestations dans plusieurs de ces pays. En Arabie saoudite même, la contestation s’est fortement exprimée ces dernières semaines dans des régions à majorité chiite, situées dans l’est du pays. Les motifs du mécontentement ne résident pas dans des questions d’ordre confessionnel ou théologique, mais sont surtout liés à la discrimination que vit la minorité chiite dans ce royaume ultra-réactionnaire. Sa doctrine d’État, se revendiquant de l’islam wahhabite, est particulièrement rétrograde et intolérante. Déjà au mois d’avril puis en octobre, des manifestations avaient lieu dans l’est de l’Arabie saoudite, à la suite de l’arrestation de jeunes chiites mais aussi d’écrivains et de militants des droits de l’homme.

Dimanche 20 novembre, un jeune homme de dix-neuf ans a été tué par la police, dans le district de Qatif, à proximité d’un barrage de contrôle. Cela a déclenché une manifestation de protestation, le lendemain, au cours de laquelle au moins un participant a été tué par balle. Les manifestations ont alors pris plus d’ampleur. Mercredi 23 novembre, quatre personnes ont trouvé la mort : deux manifestants à Chouika, et deux personnes lors des funérailles de ces derniers, dont la mort avait provoqué des échanges de tirs avec la police. Sept civils et deux policiers, au moins, ont par ailleurs été blessés.

Au Koweït, où de premières manifestations massives contre le gaspillage de l’argent par la monarchie régnante et la corruption ont eu lieu dès le mois de mars puis en juin, un pic de tension a été enregistré fin novembre. La crise politique s’est envenimée depuis septembre, quand des poursuites pénales ont été ouvertes contre quinze députés soupçonnés d’avoir détourné à eux seuls 350 millions de dollars. Mercredi 16 novembre, une foule compacte de manifestants avait envahi le Parlement. Le 21 novembre, des milliers de personnes ont manifesté de nouveau à Koweït City, pour demander la démission du gouvernement et la dissolution du Parlement. L’émir régnant, Sabah al-Ahmad al-Sabah, a déclaré dans une interview qu’il refusait de le faire « sous la pression de l’opposition ». Depuis, il a dû céder. Le gouvernement a ainsi démissionné le 28 novembre, et le mardi 6 décembre, l’émir a fini par dissoudre le Parlement, ouvrant la voie à une nouvelle élection.

Bertold du Ryon