Publié le Jeudi 7 mai 2020 à 14h49.

« Comme s’il avait été impensable de ne pas produire de boulons ou de voitures pendant quelques semaines ! »

Extraits des réponses d'Eliana Como, membre de la FIOM/CGIL animatrice de Riconquistiamo - Il sindacato è un'altra cosa (Italie), à une interview publiée par le Réseau Syndical International de Solidarité et de Luttes.

Quelle est la situation sanitaire du pays aujourd’hui ?

Avec plus de 25 000 décès dus au Covid19, l’Italie est l’un des pays les plus touchés au monde par la contagion, en particulier la Lombardie qui est l’une des régions les plus industrialisées, polluées et densément peuplées d’Europe : 14 000 personnes y sont mortes, plus de la moitié que dans le reste du pays.

La principale raison qui a empêché la création immédiate de la zone rouge autour de Bergame a été la pression des intérêts économiques : même face à une urgence sanitaire, on devait continuer à faire des profits. Comme s’il avait été impensable pour un pays comme l’Italie de ne pas produire de boulons, de voitures ou de tuyaux en acier pendant quelques semaines !

Quelle est la résistance organisée par les mouvements sociaux et syndicaux ?

Dès que l’urgence a été déclarée début mars, les inquiétudes sur le lieu de travail ont commencé à croître. C’était une situation schizophrène : d’une part, un gouvernement vous bombardant de l’obligation de rester chez vous. Et d’un autre côté, le fait d’aller travailler tous les jours comme si rien n’était. À ce stade, les centrales syndicales ont fait une erreur, elles n’ont pas compris le ressenti des travailleurs et des travailleuses.

Heureusement, cependant, dans de nombreuses grandes usines et dans certains secteurs des transports, les délégués syndicaux ont commencé à bouger sous la pression des travailleuses et des travailleurs. Au début, les mouvements de grève ont été spontanés, puis ont été couverts par le syndicat, du moins dans le secteur de la métallurgie.

C’est à la mi-mars qu’entre colère et peur, une vague de grèves a éclatée à travers le pays. Même alors, CGIL, CISL et UIL n’ont pas eu le courage de déclarer la grève générale (qui bien sûr n’aurait pas concerné les secteurs engagés en première ligne dans les hôpitaux pour sauver des vies).

La crise actuelle permet-elle de reproposer publiquement la question d’une rupture avec le capitalisme ; dans quelle perspective ? Avec quelles forces populaires ?

Il est vrai, cependant, que la tragédie a démontré que certaines des revendications de la gauche radicale ne peuvent plus être reportées et je pense que cela devrait devenir un terrain de lutte pour la construction d’un modèle de société différent. Demain, il sera plus facile d’affirmer qu’il est nécessaire de se battre et se mobiliser pour le budget de la santé et des services publics, que nous ne pouvons plus donner un sou au système de santé privée, que sans les travailleurs et travailleuses, le pays s’arrête, qu’il est temps d’en finir avec la précarité et les salaires de misère, qu’un tel niveau de pollution ne peut être toléré, que la vie vaut plus que le profit et surtout, que les patrons n’ont aucun scrupule à envoyer ceux et celles qui travaillent pour eux au massacre (ils n’hésiteront pas à licencier en masse lorsque cela les arrangera).