Publié le Jeudi 30 juin 2016 à 09h28.

Contre Daesh, une stratégie militaire vouée à l’échec politique

Les États occidentaux, avec à leur tête les États-Unis, veulent montrer que l’État islamique (ou Daesh) est l’ennemi principal, car il constitue un facteur d’instabilité régionale et internationale, notamment avec les attentats terroristes en Europe...

Les éléments qui ont nourri son développement sont à nouveau utilisés pour tenter d’y mettre fin militairement : soutien à des régimes et groupes autoritaires et confessionnels, politiques néolibérales et interventions militaires...

Ainsi, en Syrie, les États-Unis ou la France concentrent leurs actions militaires contre Daesh, alors qu’un changement du régime autoritaire d’Assad n’a jamais été à l’agenda. Les alliés (Russie, Iran, Hezbollah et milices chiites fondamentalistes irakiennes) du régime poursuivent de leur côté leur assistance militaire à Damas pour éliminer toute forme d’opposition armée, démocratique (Armée syrienne libre) ou réactionnaire (Jabhat al-Nusra et Daesh), tout en continuant leurs exactions contre les civils syriens. Les raids de l’aviation russe le samedi 25 juin contre la localité d’al-Kouriyé, au sud-est de la ville de Deir Ezzor, ont par exemple tué 31 civils.

En Irak, les combats contre Daesh sont menés par l’armée irakienne et ses groupes d’élite, mais aussi par des milices fondamentalistes chiites soutenus politiquement, économiquement et militairement par la République islamique d’Iran, et surtout détesté par des larges sections des populations sunnites d’Irak à cause de leurs exactions contre elles et leurs discours et pratiques confessionnels.

En Libye, les États occidentaux ont poussé à la formation d’un gouvernement d’union, avec deux objectifs prioritaires : lutter contre Daesh et « l’immigration clandestine ». Les questions politique et socio-économiques sont quasiment ignorées. Plusieurs pays européens ont déjà promis plusieurs dizaines de millions d’euros en soutien à ce gouvernement... Cela ans oublier le soutien des États occidentaux, en particulier français, au régime égyptien présidé par le dictateur Sissi qui continue sa répression violente contre toute forme d’opposition, des mouvements de gauche aux Frères musulmans. Une répression tous azimuts qui a pour effet de créer de nouveaux Daesh en nombre dans le pays...

En soutien aux mouvements démocratiques et non confessionnels

Il ne suffit pas simplement de mettre fin militairement à toute capacité de nuisance de Daesh, au risque de le voir réapparaître dans le futur comme ce fut le cas dans le passé, mais de s’attaquer aux conditions politiques et socio-économiques qui permettent et ont permis son développement. Il faut se rappeler que Daesh, élément fondamental de la contre-révolution, a connu un développement sans précédent à la suite de l’écrasement des mouvements populaires, se nourrissant de la répression massive et violente des régimes et groupes autoritaires, souvent attisés par des discours et pratiques confessionnelles s’appuyant sur les haines religieuses.

Les interventions des États régionaux et internationaux ont grandement contribué, et continuent par leurs politiques, au développement de Daesh. Les politiques néolibérales appauvrissant les  classes populaires, accompagnées de la répression des forces démocratiques et syndicales, sont bien sûr un élément fondamental du développement de Daesh.

Il s’agit de lutter contre ces éléments, tout en soutenant des mouvements populaires de masse démocratiques et non confessionnels qui continuent à travers la région malgré des reculs importants, défiant à la fois les régimes autoritaires et les organisations fondamentalistes religieuses. C’est le seul moyen de mettre fin à ces deux formes de barbarie, au lieu de répéter des erreurs du passé contribuant à leur renaissance.

Joseph Daher