Depuis plus d’une semaine, l’armée turque, deuxième armée de l’OTAN, attaque les territoires du nord et de l’est de la Syrie, qu’on appelle aussi Rojava, gouverné par une Administration autonome (AANES).
Àl’heure où ces lignes sont écrites, la Turquie pilonne des villes et des agglomérations situées le long de la frontière entre la Syrie et la Turquie. L’armée turque et ses supplétifs – dont beaucoup sont des forces jihadistes – ont franchi la frontière pour tenter de s’emparer des villes de Serêkaniyê (Ras al Ain) et de Tel Abyad (Girê Spî). De violents combats se déroulent dans les villes et les villages environnants. En face, les FDS (Forces démocratiques syriennes), composées principalement de citoyens syriens arabes, turkmènes, chrétiens syriaques, et les YPG/YPJ, les combattantes et combattants kurdes, tentent tant bien que mal de résister.
Une expérience intolérable pour Erdogan
Pourquoi la Turquie les attaque-t-elle ? Parce que depuis que les YPG/YPJ ont vaincu Daech en arrêtant leur déferlement à Kobané en 2014, il s’est mis en place très vite au nord et à l’est de la Syrie un système politique qui tranche profondément avec les dynamiques régionales : le développement du multiconfessionnalisme, le respect de l’autonomie des nationalités, les avancées concernant les droits des femmes… rendent son existence intolérable pour l’autocrate Erdogan.
En difficulté dans son pays parce qu’il vient de perdre les élections municipales dans toutes les grandes villes turques, Erdogan a choisi la guerre pour retrouver une légitimité en s’appuyant sur un nationalisme turc très vivace. En s’en prenant aux Kurdes du Rojava, Erdogan poursuit son entreprise de destruction du nationalisme kurde, déjà engagée à l’intérieur de ses frontières avec une répression toujours plus forte des mouvements kurdes (emprisonnements, destitution des maires, etc.)
Le feu vert à cette attaque a été donné avec l’annonce, par Donald Trump, du retrait des troupes étatsuniennes (environ 2 000 soldats), qui gênaient Erdogan dans ses projets d’invasion. Malgré l’apparent rétropédalage du président des États-Unis, qui condamne aujourd’hui l’offensive conduite par Erdogan, il est évident que son désengagement annoncé a résonné comme une autorisation implicite d’ouvrir les hostilités.
Depuis une semaine, les FDS, sans armement lourd, sans aviation, résistent aux bombardements et aux tirs d’artillerie lourde de l’armée turque. Leurs appels au secours lancés à la communauté internationale sont restés vains. Le seul souci des pays européens semble être l’évasion massive des prisonniers jihadistes détenus par les Kurdes, largement favorisée par des bombardements turcs ciblés sur les prisons et les camps de prisonniers.
L’urgence de la mobilisation
La France, l’Allemagne et d’autres pays européens ont annoncé l’arrêt des livraisons d’armes à la Turquie, mais les stocks d’Erdogan sont énormes. La France, à elle seule, a vendu pour près de 500 millions d’euros de systèmes de pointe à la Turquie, et le principal fournisseur, les États-Unis, reste muets. Une démonstration supplémentaire du fait que la France, qui se vante d’exporter des armes aux quatre coins du monde, et notamment au Moyen-Orient, porte une responsabilité considérable dans le développement des conflits militaires meurtriers pour les peuples de la région, de la Syrie au Yémen.
Dos au mur, confrontées à un projet d’extermination par l’armée turque et ses brigades jihadistes, et conscientes que les Occidentaux ne lèveront pas le petit doigt, l’Administration autonome et les FDS ont passé un accord avec le régime syrien et la Russie : un « choix » tragique lorsque l’on sait qu’Assad et Poutine, bourreaux des populations vivant en Syrie, profiteront de cette opportunité pour poursuivre et étendre leur politique meurtrière, entre autres à Idlib, mais aussi pour démanteler les FDS et écraser, à terme, l’expérience de l’administration autonome du Rojava. On se souvient ainsi qu’en 2018, lors de l’offensive turque contre Afrin, Assad et la Russie avaient laissé faire Erdogan, exigeant la dissolution des FDS, qu’ils semblent cette fois-ci avoir obtenue.
L’heure est à la solidarité internationaliste ! Il est urgent de se mobiliser pour exiger l’arrêt immédiat de l’opération militaire turque, des sanctions contre le régime Erdogan, un embargo total sur les armes en direction de la Turquie (ce sont les FDS qui devraient être armées !) et le retrait du PKK de la liste des organisations terroristes de l’UE.