Publié le Mercredi 11 mai 2011 à 20h14.

Élimination de Ben Laden, Obama dans les pas de Bush…

 « Justice est faite » s’est exclamé 0bama en annonçant le 1er mai devant toutes les télévisions du monde qu’Oussama Ben Laden avait été tué d’une balle dans la tête par un commando américain au Pakistan. Le corps a été jeté à la mer, les photos de la dépouille sont secret défense… Il s’agit là de la vengeance érigée en politique d’État, la loi du talion.Bush s’est empressé de se réjouir de cette « victoire pour l’Amérique », Sarkozy a salué un « événement majeur de la lutte mondiale contre le terrorisme », alors que le ministre des Affaires étrangères italien vantait « la victoire du bien contre le mal » et qu’Angela Merkel se réjouissait... La grandiloquence des propos est pour le moins ridicule et dérisoire venant de la plus grande puissance mondiale et de ses alliés auxquels il aura fallu dix ans pour venir à bout de l’homme jugé responsable des attentats du 11 septembre 2001. Les dirigeants des grands États ne sont pas aveuglés par leur propre propagande au point de croire un seul instant que la mort de Ben Laden puisse enrayer la révolte et la violence qu’engendre leur propre politique. Elles connaissent bien les causes et les mécanismes à la source du terrorisme dont elles sont largement responsables. L’objectif de la liquidation de Ben Laden est ailleurs, c’est un acte de propagande tant à usage intérieur qu’international. Une créature de l’impérialismeIl ne s’agit pas de verser la moindre larme sur Ben Laden. Les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center à New York ne servaient en rien les intérêts des peuples opprimés. Bien au contraire, ils donnaient des armes à l’impérialisme pour justifier sa politique militariste, donner une crédibilité au mythe du choc des civilisations. Ils témoignaient du mépris de Ben Laden et d’Al Quaida pour la vie des hommes, un mépris tout aussi grand que celui des États qu’ils prétendaient combattre. Ben Laden n’était-il pas d’ailleurs leur créature ? Enfant de la bourgeoisie, il fréquente les milieux intégristes et fait ses premiers pas dans le terrorisme sous la houlette des services secrets américains en Arabie saoudite. Il se met à leur service aux côtés des talibans contre les armées de l’URSS qui occupent alors l’Afghanistan. Après la guerre du Golfe et l’envoi massif de troupes américaines en Arabie saoudite, il se retourne contre ses anciens maîtres utilisant ce qu’ils lui avaient appris. Celui que les soldats américains ont tué n’était sans doute plus qu’un mythe entretenu par les agences de propagande impérialistes. Une victoire pour Obama, pas pour les peuplesL’opération décidée et dirigée par Obama, nommée de façon provocatrice « Géronimo » lui vaut une nouvelle popularité. En difficulté à cause de sa politique économique au service des banques et de la finance contre la population, sa « victoire » lui donne un nouveau soutien populaire. Mais à quel prix ? Lui qui avait représenté la rupture avec la guerre de civilisations de Bush et la propagande contre l’axe du mal se retrouve dans la même posture que son ancien adversaire. Les illusions sont finies. Il se donne, face à ses détracteurs républicains, l’image d’un authentique patriote en se revendiquant d’« une seule nation bénie de Dieu, indivisible et vouée à la liberté et à la justice pour tous ». Ces propos réactionnaires ont suscité dans une partie de l’opinion américaine des manifestations de joie aveugle et de nationalisme au cri de « USA ! USA ! » En commanditant la mort de Ben Laden, Obama a non seulement commencé sa campagne électorale pour l’élection présidentielle mais il a surtout donné des gages aux classes dominantes et à l’appareil d’État américain, au Pentagone, au moment où les tensions internationales augmentent et où les USA sont confrontés à la montée révolutionnaire dans le monde arabe. Solidarité entre les peuplesIl serait naïf de croire que la mort de Ben Laden va mettre fin à la guerre en Afghanistan. La traque de Ben Laden n’était qu’une justification pour une guerre qui visait à assurer le contrôle des USA sur une région stratégiquement décisive. Le retrait des troupes annoncé pour 2011 n’aura pas lieu avant… 2014. Dix ans après le 11 septembre, les USA et la quarantaine de pays de l’Otan s’enlisent dans la guerre en continuité avec celle d’Irak pour préserver leur domination sur le monde. Le Pakistan dont le chef des armées vient de demander la réduction des troupes américaines sur son territoire est encore plus déstabilisé. L’opération ne peut qu’attiser la haine pour les USA de la part de millions d’hommes et de femmes victimes de la politique des grandes puissances qui souffrent du pillage de leurs richesses, de l’humiliation même s’ils ne voient pas en Ben Laden un martyr de leur cause. Le déferlement de propagande des grandes puissances voudrait affirmer leur force en particulier face à la révolte des peuples du monde arabe pour la démocratie et la liberté, pour leur droit à l’autodétermination, à décider de leur propre sort contre tous les dictateurs et les terroristes qui veulent les soumettre. Un espoir qu’elles voudraient faire disparaître.

Yvan Lemaitre