Publié le Jeudi 18 février 2021 à 12h28.

Mario Draghi à la tête d’un improbable gouvernement d’union nationale en Italie

Mario Draghi se lance à la tête du 67e gouvernement de la République italienne. Le vote des inscritEs du Mouvement 5 étoiles (M5S) sur la plateforme Rousseau a confirmé sans surprise le choix du leader Beppe Grillo (59,3 % pour et 40,7 % contre). Le nouveau Premier ministre remporte les 3/4 du Parlement et présente un nouvel exécutif à forte dominante masculine composé par huit technocrates et 15 politiques (quatre au M5S, trois à Forza Italia, Parti Démocrate (PD) et Lega et un à LEU et Italia Viva). 

Cette majorité improbable rassemble deux coalitions opposées : d’un côté, Berlusconi, Renzi et Salvini et, de l’autre, l’ancienne alliance de Giuseppe Conte (M5S, PD, LEU – l’aile gauche du PD). Chargés de la réalisation des réformes structurelles demandées par Bruxelles, les « compétents » occupent les ministères clefs de l’Économie, de la Transition écologique et digitale, des Infrastructures, de la Justice, de l’Université et de l’Éducation. 

Pour le MoVimento, c’est la fin de la contestation 

Au nom de la responsabilité, le MoVimento (M5S) avale sa fierté et accepte de former une coalition avec Berlusconi, la cible de ses batailles historiques, celles du premier « Vaffanculo Day » en 2007 pour chasser les condamnés du Parlement et celle, fondatrice, pour le droit à l’information ayant contribué à la consécration du blog de Grillo en tant qu’aiguillon de la politique italienne. Le résultat du vote est net mais pas massif et provoque une fracture à l’intérieur du mouvement qui perd son âme contestataire, Alessandro Di Battista ayant refusé de trahir les principes du mouvement pour servir de béquille à la politique néo­libérale de Draghi. Le « Veltrusconi »1, le monstre du bipolarisme italien dénoncé dans les meetings de Beppe Grillo, assume la forme tentaculaire du gouvernement d’ouverture. 

L’écologie à l’ère de la post-politique 

Le super-ministère du Développement économique et de la Transition écologique demandé par Grillo n’a pas vu la lumière, mais Mario Draghi assure qu’il s’agit d’un gouvernement « écologiste » qui souhaite mettre de côté les intérêts individuels pour répondre aux « besoins de l’Italie ». 

La vérité est que la définition des besoins n’est pas un territoire neutre mais constitue une matière politique qui dépend des idées et de leur histoire. Jusqu’à présent, les recettes sauve-banque et sauve-capital qui ont impliqué une généreuse distribution d’argent public aux entreprises n’ont pas obtenu les effets espérés. Nous aimerions penser que la transition écologique de Draghi serait la bonne : conçue et mise en œuvre par la population, destinée à limiter la surproduction et la sur-consommation, promouvoir la réduction et le partage du temps de travail jusqu’à la nécessaire appropriation, par les travailleurs et les travailleuses, des moyens de production. 

Permettez-nous toutefois d’en douter. Dans la meilleure des hypothèses, le banquier-politique voudra dépoussiérer les recettes keynésiennes de son maître, Federico Caffé. Sceptique vis-à-vis d’une intégration monétaire a-critique et fervent défenseur du « Welfare State », le professeur d’économie, mystérieusement disparu en 1987, aurait probablement tenté d’injecter le minimum de socialisme nécessaire pour rendre le capitalisme supportable. Nous serions de toute façon encore très éloignéEs d’une société écosocialiste sans classe et sans exploitation et oppression. Car si la pandémie est exogène, le capitalisme, lui, est bel est bien ancré dans notre époque et il nous faudra bien plus qu’un gouvernement d’union nationale pour le renverser. 

  • 1. Composé de deux noms propres, Walter Veltroni (fondateur du PD) et Silvio Berlusconi, ce néologisme médiatique indique une collusion entre deux forces politiques apparemment opposées.