Des titres des journaux aux fils des réseaux sociaux, l’intensification de la violence en Israël-Palestine ces dernières semaines a été largement comparée aux scènes qui ont conduit aux événements de mai 2021, lorsqu’un soulèvement palestinien massif, une campagne de répression israélienne et une guerre vicieuse ont enflammé la terre entre le fleuve et la mer1.
Les comparaisons sont tentantes, et les questions fondamentales qui sous-tendaient cette période restent certainement inchangées. Mais interpréter les développements actuels à travers le prisme de mai dernier n’est pas seulement prématuré : cela obscurcit notre compréhension de ce qui se passe sur le terrain aujourd’hui, et peut nous rendre même aveugles à ce dont les PalestinienEs ont besoin en ce moment.
Brutalité permanente
L’« Intifada de l’unité » était à bien des égards le résultat d’une « tempête parfaite », créant une synchronisation rare de la répression israélienne et de la résistance palestinienne qui n’avait pas été vue à une telle échelle depuis la deuxième Intifada. Ces dernières semaines, cette synchronisation à grande échelle ne s’est pas reproduite. Il y a de nombreuses explications à cela, et les développements en cours – notamment à la lumière de la brutalité de la police israélienne et des provocations des extrémistes juifs à Jérusalem – pourraient prendre une tournure encore plus grave. Mais il y a un facteur important qui ne recueille pas l’attention qu’il mérite : les PalestinienEs ne se sont pas encore remis de ce qui s’est passé en mai dernier.
La brutalité israélienne n’a jamais cessé. Depuis le mois de mai, les communautés palestiniennes ont dû faire face à des incursions militaires, des agressions de colons, des démolitions de maisons, des refus d’autorisations médicales, des tirs de l’armée, des arrestations massives, des saisies de terres, une surveillance intrusive, et bien plus encore.
Ainsi, si les médias grand public se sont empressés de couvrir les récents actes de violence sporadique commis par des Palestiniens – attaques meurtrières dans trois villes israéliennes, les jets de pierres sur les bus, et maintenant des roquettes tirées depuis Gaza – ils ont largement fait l’impasse sur la violence constante et structurelle infligée aux PalestinienEs au nom de la préservation de la « tranquillité » des Juifs israéliens. Il est révélateur que les médias n’aient commencé à remarquer que la violence était en train de « monter en flèche » que lorsqu’elle a soudainement touché les IsraélienEs.
Un long chemin à parcourir
Cela ne signifie pas que les PalestinienEs ont abandonné leur cause. Au contraire, la résistance persiste sous de multiples formes, et le souvenir de l’Intifada de l’unité continue d’alimenter un sentiment de conscience nationale renouvelée. Mais de nombreux PalestinienEs admettront également que, même s’ils étaient capables de se mobiliser comme l’année dernière, ils ne sont pas certains de ce qu’ils pourraient obtenir en ce moment. Toujours affaiblis par des leaderships fracturés et autoritaires, et sans vision politique claire pour les guider, de nombreux PalestinienE ont dû se replier sur leurs batailles fragmentées et localisées pour repousser les politiques implacables d’Israël.
Avec l’orgueil grandissant d’Israël et les blessures palestiniennes qui s’aggravent, une autre guerre ou un autre soulèvement pourrait bien se profiler à l’horizon. Mais un mouvement sans ressources est voué à s’étioler, et une lutte sans leadership est vouée à être perdue. Nous savons que les slogans ne suffisent pas : seule une sérieuse réorganisation du pouvoir – par le biais de l’organisation à la base, de l’action gouvernementale, de l’indépendance économique, de la pression médiatique, et plus encore – peut renverser la vapeur contre notre condition coloniale. L’Intifada de l’unité a été un élément essentiel de cet effort. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir.
Version intégrale (en anglais) sur 972mag.com.
- 1. Le Jourdain et la Méditerranée [NDLR].