Le 30 mars, le gouvernement vaudois, à majorité rose-verte, a envoyé sa police expulser la ZAD de la colline du Mormont. La décision confirme, en dépit des incantations, que la propriété et la croissance valent plus que l’environnement aux yeux des ministres du canton.
Une pandémie qui n’en finit plus et une autorisation de dernière minute n’ont pas empêché, vendredi 26 mars, des centaines de personnes de manifester, dans les rues de Lausanne, leur soutien à la ZAD de la colline, menacée d’une expulsion imminente. Depuis octobre, des zadistes de plus en plus nombreuses et nombreux – et soutenus par près de 130 élus du canton – tentaient de faire obstacle à l’extension d’une carrière de calcaire. Pour produire son ciment, la multinationale Holcim creuse depuis 70 ans dans la colline du Mormont, indifférente à sa biodiversité hors du commun.
À quoi sert une ministre verte ?
À l’appel de la Grève du climat, un cortège de 1 500 à 2 000 manifestantEs a fait du bruit de la place du Château au parc Mon-Repos. « Nos vies et la planète valent plus que vos profits », « Holcim laisse béton », « Orchidées contre béton armé » ou, plus simplement, « Béton = caca » : les slogans ne manquaient pas le long du parcours allant du Conseil d’État vaudois au Tribunal fédéral. Béatrice Métraux, ministre – Verte, paraît-il – en charge de l’Environnement, affirmait il y a peu dans 24 Heures que la carrière ne perturbait pas ses promenades en forêt dans les environs du Mormont, puisqu’elle ne la voyait pas. Loin des yeux, loin du cœur ? Espérons que banderoles, pancartes et chants, sous ses fenêtres, lui auront rappelé qu’on ne fait pas disparaître les problèmes en se cachant derrière les arbres, ni derrière la sacro-sainte légalité.
Pareil pour le Tribunal fédéral, qui doit rendre dans les semaines ou mois qui viennent un arrêt crucial : le géant Holcim pourra-t-il étendre – encore une fois – le périmètre lui permettant de remplir ses fours ? Sachant que les prochaines extensions sont déjà prévues : dans quelques décennies, la colline du Mormont et ses orchidées sauvages ne seront qu’un souvenir.
Au-delà de la défaite
Deux autres décisions de justice ont fragilisé la ZAD, en la rendant expulsable dès le 26 mars du bâtiment occupé et à partir du 30 pour le terrain. Conséquence sur place, au fil des jours, les barricades ont gagné en hauteur, en longueur et en épaisseur. Sur la route menant à la ZAD, aux textes poétiques inscrits quelques semaines plus tôt s’est ajouté un « No Pasarán » en lettres majuscules.
L’état d’esprit aussi avait changé, à l’approche de l’intervention policière. Après l’enthousiasme des premiers mois, les discussions laissaient transparaître de la tristesse et de la résignation. Un sentiment de satisfaction ressort malgré tout : d’avoir contraint les médias à s’intéresser au sort du Mormont, mais aussi d’avoir montré en actes que d’autres modalités d’existence, fondées sur l’horizontalité des prises de décisions, le partage des savoir-faire et l’apprentissage du commun, sont possibles.
Il suffisait de passer une heure sur place pour tordre le cou à pas mal de préjugés. Les zadistes sont certes une population majoritairement privilégiée, mais consciente de ses privilèges et des difficultés théoriques et pratiques de penser un autre monde sans oublier les contradictions de celui dans lequel nous vivons. Si les zadistes ont échoué à faire le lien avec les salariéEs de la cimenterie et les syndicats, c’est surtout faute de temps et de moyens humains. Dans sa liste de revendications publiée le 24 mars, la ZAD n’oublie pas les emplois liés à la présence de la carrière et souligne la nécessité d’un plan de reconversion.
L’expérience le montre, c’est sur le long terme que se tissent les liens, que s’affinent les projets politiques et que les mouvements de contestation gagnent en mixité sociale. Expulser la ZAD au plus vite était aussi un moyen pour Holcim et le gouvernement vaudois d’éviter ce genre de développement.