Les trois lois dites « bâillon » (loi de « sécurité citoyenne », réforme du code pénal et loi anti-djihadiste) sont entrées en vigueur ce 1er juillet, faisant fi des critiques des mouvements sociaux, des autres forces politiques, et même de celles de l’Union européenne et de l’ONU.
C’est le projet phare de la législature du ministère de l’Intérieur espagnol, alors que la sécurité est loin de figurer parmi les dix principales préoccupations des Espagnols. En réalité, 82 % des sondés en décembre dernier par Metroscopia était même pour assouplir ces lois, voire les abandonner...
« Sécurité citoyenne » ?
Expulsions directes. Un amendement du Sénat à la loi dit que « Les étrangers détectés sur la frontière de Ceuta ou Melilla en train d’essayer de franchir les éléments de contention frontaliers pour traverser illégalement pourront être refoulés afin d’empêcher leur entrée illégale en Espagne ». Cela alors que le Conseil européen et l’ONU affirment que légaliser ces expulsions contredit le Tribunal européen des droits de l’homme qui interdit expressément les reconduites collectives.
Criminalisation de la protestation. Les nouvelles formes de contestation sociale engendrées par les politiques d’austérité sont criminalisées. Les manifestations non déclarées, comme celles des Indignés, seront punies d’une amende de 30 000 à 600 000 euros. Des formes de mobilisation contre les expulsions locatives, les « mises à l’index collectives » (appelées escraches) ou les occupations pacifiques de banques deviendront des délits.
Restriction de l’information. « L’usage non autorisé d’images ou données personnelles ou professionnelles d’autorités ou de membres des forces et corps de sécurité » va aussi devenir une infraction. Cette loi pourrait généraliser des cas comme celui de la journaliste basque Iraitz Salegi jugée fin mai pour avoir donné des informations sur des journées organisées par des jeunes de la gauche indépendantiste…
Atteintes au droit d’expression. La loi criminalise la diffusion des nouvelles contestations sur les réseaux sociaux. Elle considère comme « organisateur ou promoteur quiconque par des publications ou appels à des réunions (…) peut raisonnablement être identifié comme meneur de celles-ci ».
Le code pénal renforcé
Prison permanente révisable. Elle pourra être imposée dans des cas de gravité extrême... Un euphémisme pour introduire la condamnation à perpétuité en Espagne.
N’importe qui sera sous le coup de ces « lois bâillon », mais plus particulièrement les immigréEs. En plus des mesures déjà évoquées, le Code pénalise le fait d’offrir du travail à des sans-papiers et même l’hospitalité, sauf pour « raisons humanitaires ». La transformation de fautes en délits dans ce nouveau code entraînera une double peine pour les migrantEs qui ne pourront ainsi aller jusqu’au bout de leurs démarches de régularisation et seront donc expulsés. En plus, les descentes racistes de policiers sont légalisées.
La « loi bâillon » criminalise aussi la pauvreté. On continuera à punir financièrement, jusqu’à 30 000 euros d’amende, des personnes vulnérables comme c’est le cas avec la prostitution, la consommation de drogues dans la rue ou les sans-abri. Là encore, les fautes deviendront des délits qui pourront finir par de la prison.
« Nous ne sommes pas un délit »
Ces lois font partie d’un ensemble de mesures législatives qui intensifient le cadre répressif de l’État : réforme du code pénal, modification de la loi de sécurité privée qui autorise le recours à la force par les entreprises de sécurité, et une prochaine réforme du droit de grève. Il ne s’agit pas seulement d’une loi anti 15M (Mouvement des Indignés) pour réprimer les « mareas » et la contestation citoyenne, mais de la préparation d’une offensive répressive contre de possibles mobilisations collectives de travailleurs et de divers mouvements. Une attaque frontale contre les libertés démocratiques et un retour à la législation dictatoriale franquiste.
C’est pourquoi depuis que l’avant-projet de cette loi de « sécurité citoyenne » a été présenté, des manifestations ont au lieu. Appelées par la plateforme « Nous ne sommes pas un délit » ainsi que par d’autres collectifs et organisations, le but est d’en finir avec cette campagne de répression qui vise à bâillonner la mobilisation ouvrière et populaire.
Cette offensive du système exige en effet une réponse de toutes les forces démocratiques et des mouvements sociaux qui aspirent à une autre société. La mobilisation pourra être un encouragement à construire un « pouvoir populaire », au lieu de nous paralyser comme le souhaite le régime.
Antikapitalistak Elkartea (Euskal Herria – Pays basque)
Traduit par Monica Casanova