Publié le Lundi 2 octobre 2023 à 17h30.

États-Unis : la lutte des classes reprend

La dernière année a été marquée par un nombre remarquable de menaces de grève, de grèves effectives et d’accords à la suite de grèves dans divers secteurs, des cafés aux chemins de fer, des écrivains aux acteurs en passant par les chauffeurs routiers et les ouvriers de l’automobile. À l’heure actuelle, 25 000 travailleurEs de l’automobile et 150 000 acteurEs sont en grève.

Rappelons la dynamique qui se met progressivement en place au sein du mouvement ouvrier. Les travailleurs et travailleuses de Starbucks se sont organisés et ont fait grève. À ce jour, 354 établissements et près de 9 000 salariés se sont syndiqués, mais cependant aucun n’a obtenu de contrat collectif. En avril 2022, les travailleurs d’Amazon à New York ont voté pour se syndiquer, mais à ce jour, ils n’ont pas non plus de d’accord collectif. Les élections des représentants syndicaux ont par ailleurs été perdues dans d’autres sites d’Amazon.

Vague de grèves dans des secteurs clés

Les cheminotEs prévoyaient de faire grève fin 2022, mais en décembre, le président Joe Biden et le Congrès ont eu recours à la loi sur le travail dans les chemins de fer (Railway Labor Act) pour empêcher la grève et imposer un accord qui, après des protestations, a été accepté ultérieurement par les syndicats, bien qu’une partie de leurs revendications n’aient pas été satisfaites. Le syndicat des Teamsters (camionneurEs) prévoyait de faire grève chez UPS, mais en juillet de cette année, il est parvenu à un accord comportant de nombreuses avancées, même si, la direction du syndicat a renoncé à son mot d’ordre de grève et se soit satisfaite d’un accord qui n’a pas permis d’améliorer le sort de nombreuxEs travailleurEs à temps partiel.

Ensuite, ce sont les scénaristes et les acteurEs qui ont paralysé une industrie qui emploie plus de deux millions de travailleurEs de toutes sortes. Les scénaristes ont fait grève en mai et les acteurEs les ont rejoints sur les piquets de grève en juillet. Il s’agissait de la première paralysie de l’ensemble du secteur depuis plus de soixante ans. Ils se sont mis en grève contre certaines des entreprises les plus puissantes d’Amérique. Les employeurs, l’Alliance of Motion Picture and Television Producers, représentent les principaux studios de cinéma tels que Paramount, Sony, Universal, Disney et Warner Brothers, les principaux réseaux de télévision (notamment ABC, CBS, FOX et NBC), les services de diffusion en continu tels que Netflix, Apple TV+ et Amazon, ainsi que certains câblo-opérateurs.

Les deux syndicats concernés ont voulu réagir aux transformations survenues dans le secteur avec l’essor des services de diffusion en continu qui ont connu une croissance phénoménale au cours de l’épidémie de covid. Ils sont également préoccupés par les développements rapides de l’intelligence artificielle (IA) qui menacent à la fois les auteurEs et les acteurEs.

Les acteurs toujours sur la brèche

Tout cela a conduit à une plus grande détermination. Quelque 11 000 scénaristes de cinéma, de télévision, de journaux télévisés, de radio et d’Internet ont remporté une grande victoire après une grève de 148 jours. Alors que l’industrie cherche désespérément à mettre en ligne de nouvelles émissions et à les diffuser dans les salles de cinéma, les travailleurs ont obtenu des garanties d’emploi et des augmentations de salaire. Ils ont également obtenu la garantie de ne pas être remplacés par ChatGPT.

Cependant, les quelque 150 000 acteurEs de télévision et de cinéma, qui ont débrayé en mai, sont toujours en grève. L’une des grandes craintes des acteurEs est d’être remplacés par des « doubles numériques ». Le studio peut demander à un acteur d’entrer dans l’ « orbe », c’est-à-dire la cabine de photogrammétrie où des centaines de caméras enregistrent son image lorsqu’il fait différentes expressions et prend différentes poses. Une fois les photos prises, comme l’explique le Scientific American, « les virtuoses des effets visuels (VFX) font passer le modèle de deux à trois dimensions ». L’image en trois dimensions est ensuite attachée à un « squelette » visuel déplacé par unE acteurE ou par animation et placé dans l’arrière-plan approprié. Les studios peuvent ne pas avoir besoin d’acteurEs, mais ils peuvent toujours vouloir un beau visage.

Les acteurs en grève ont été encouragés par l’accord conclu avec les scénaristes, mais la grève est très longue. Certains scénaristes ont continué à participer aux piquets de grève avec eux, comme l’ont fait certains travailleurEs hospitaliers en grève. Les acteurEs et les travailleurEs de l’automobile ont également tenu un piquet de grève devant les bureaux de la chaîne de télévision HBO et d’Amazon à Manhattan. La lutte sera rude.

La lutte des classes est bien de retour et, bien que les résultats aient été mitigés jusqu’à présent, les actions de ces travailleurEs représentent une amorce de changement radical dans la société américaine.

Traduction Henri Wilno