Publié le Vendredi 9 décembre 2011 à 15h11.

Grande-Bretagne : une grève historique

La grève du 30 novembre pour la défense des retraites du secteur public a été la plus importante depuis une génération.Le 30 novembre, plus de 2,5 millions de travailleurs on fait grève, dans la santé, les services municipaux, les ministères, du jamais vu depuis très longtemps. 30 syndicats ont été impliqués, dont les trois principaux, Unite, Unison et le GMB. Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes, y compris dans celles qui n'en avaient plus vu depuis la guerre d'Irak en 2003. Plus de 50 000 personnes ont manifesté à Londres et plus de 15 000 à Belfast. Il y a même eu une manifestation de 100 personnes à Lerwick dans l'archipel des Shetland. Pour l'écrasante majorité des participants, il s'agissait de leur première grève. Deux écoles sur trois étaient fermées, les musées et les tribunaux également, et les opérations non urgentes dans de nombreux hôpitaux ont été annulées.

La grève a été un énorme succès non seulement en raison de sa taille, mais parce que tout le monde savait qu'il ne s'agissait pas seulement des retraites mais aussi de la défense des services publics et, au final, de savoir qui doit payer pour la crise. La grève a aussi posé la question générale des retraites. Le gouvernement dirigé par les conservateurs a déclaré qu'il était injuste que les travailleurs du secteur public touchent une meilleure pension que ceux du privé. Mais il n'a rien dit sur les revenus annuels de plusieurs millions de livres qu'empochent les banquiers comme par exemple les directeurs de Barclays et Royal Bank of Scotland. Plus de 2,5 millions de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté de 178 livres par semaine (832 euros par mois). La pauvreté des retraités en Grande-Bretagne est une des pires d'Europe, venant juste après Chypre, la Lettonie et l'Estonie ! La France dépense deux fois plus pour les retraites que le Royaume-Uni.

La grève du 30 a été longue à venir. Dès son élection, le gouvernement dirigé par les conservateurs a annoncé qu'il déclencherait la guerre contre les services publics, et la rémunération et les conditions de vie des travailleurs en général. Bien que le TUC (union des syndicats) ait décidé en septembre 2010 d'organiser une action coordonnée nationale contre ces attaques, il lui a fallu six mois pour organiser une manifestation nationale de 500 000 personnes le 26 mars. Malgré le succès important de cette manifestation, les directions des trois grands syndicats et du TUC ont été réticentes à poursuivre l'action. C'est seulement après l'immense succès de la grève du 30 juin, organisée par les syndicats d'enseignement (UCU, NASWUT et NUT) et le syndicat des fonctionnaires PCS, que tous les autres syndicats et le TUC ont finalement décidé d'appeler leurs adhérents à la grève.

Les dirigeants de la plupart des syndicats ont été poussés à organiser la grève sous la pression de leurs membres et parce qu'ils n'avaient plus guère d'autres choix. Le gouvernement a fait traîner les négociations depuis le début de l'année sans aucune concession et a même imposé des modifications sans négociation aux régimes de retraite, comme le recul à 67 ans de l'âge de départ pour les jeunes travailleurs.

Le gouvernement accélère les attaques contre la classe ouvrière au moment où la récession est sur le point de se transformer en dépression : les travailleurs du secteur public, qui subissent déjà un gel des salaires de deux ans, verront ensuite toute augmentation plafonnée à 1 %. Avec une inflation à 5,4 %, cela correspond à une baisse de 20 % des salaires en quatre ans. Le gouvernement a annoncé la suppression de 710 000 postes de fonctionnaires qui s’ajoute à celle de 400 000 annoncée l'année dernière ! Osborne, le ministre des Finances, a déclaré qu'il ferait « tout ce qu'il faut » pour réduire le déficit. Cela signifie des allégements fiscaux pour les riches et de l'argent récupéré dans la poche de tous les autres.

La grève du 30 novembre ne peut être qu'un début dans la résistance contre le gouvernement. Le mouvement doit être intensifié avec des dates d'action prévues pour le début de l'année prochaine concernant les travailleurs du privé. Les jeunes et les étudiants doivent être impliqués car le report de l'âge de la retraite aura un effet immédiat face au chômage des jeunes de moins de 25 ans actuellement au niveau record de 20 %.La grève de mercredi en Grande-Bretagne a été suivie le lendemain par une grève générale d'une journée en Grèce et le vendredi par une journée syndicale unitaire en Belgique. La solidarité à l'échelle européenne et l'action commune est plus que jamais nécessaire pour faire reculer l'assaut néolibéral sur tous nos acquis de l'après-guerre.

Fred Leplat (traduction Jacques Radcliff)