C’est le paradoxe de la rentrée. Si la droite gouvernementale est en crise (les sondages la donnent à environ 20 %, loin des 41 % des élections 2023), Mitsotakis s’affiche plus fort que jamais.
Son mépris le fait se féliciter de son projet de budget où des hausses de salaires seront illico neutralisées par la hausse des prix (électricité !). Pire, il se réjouit des privatisations pour la vie quotidienne, et cela au moment où un immense concert de soutien aux familles des 57 victimes de la tragédie ferroviaire de Tèmbi rappelle que sa cause était le désengagement du secteur public…
S’il peut agir ainsi — et malgré une première défaite juridique dans le scandale des écoutes — c’est surtout en raison de la faiblesse de l’opposition politique : au « centre gauche » Syriza (devenu 5e parti dans les sondages) est au bord de disparaître, et la gauche continue, malgré quelques tentatives en cours, d’agir de manière fort sectaire (tendance au parti autoproclamé).
Des colères
Certes, la manif de rentrée en septembre à Salonique était cette année moins fournie que les années précédentes. Pourtant, des colères populaires sont là. Face à l’incapacité de la droite à prévenir et à circonscrire les incendies ravageurs qui sont arrivés aux portes d’Athènes (manque cruel de postes de pompiers). L’implantation forcenée de centaines d’éoliennes est refusée par les populations locales (sur les îles, dans les montagnes…). Colère aussi contre le surtourisme, qui voit croître les logements Airbnb au détriment des logements populaires, sans oublier les consignes du maire de Santorin cet été demandant aux habitantEs du bourg de ne pas sortir de chez eux pour faciliter le passage des milliers de passagers des croisières… Et une colère croissante contre la multiplication des accidents du travail (107 morts depuis le début de l’année), conséquence des attaques contre le droit du travail. Cette fuite en avant ultralibérale n’empêche pas des critiques du président du conseil d’administration de la Banque nationale, alertant sur le fait que la Grèce ne peut pas s’appuyer sur le seul secteur touristique et rappelant que personne ne s’est vraiment penché sur la raison profonde de la crise de 2008, qui a débouché sur les mémorandums de la troïka.
Et des luttes
Les principales luttes de la rentrée ont lieu dans l’éducation : mobilisations contre le manque d’enseignantEs (16 000 à la mi-septembre), effarantes fusions de sections. Des mobilisations locales ont lieu, des manifs, plusieurs occupations… Face à cette combativité, le pouvoir accentue de manière inquiétante la répression contre les enseignantEs mobiliséEs, comme au Pirée où des militantEs syndicaux risquent le renvoi — plusieurs centaines de collègues ont manifesté en soutien mi-octobre. Même tendance à l’université ! La police est envoyée contre les étudiantEs protestant contre le manque d’entretien de l’université publique, et le ministre, après la création illégale de facs privées, tente désormais d’instaurer des droits d’inscription ! Contre aussi le personnel de recherche intervenant à Polytechnique Athènes pour des conditions décentes en Grèce — un chercheur militant rapporte, dans l’hebdomadaire Prin1, que le secrétaire général du ministère leur enjoint, s’ils veulent de meilleurs salaires, de partir en Hollande !
Et, sans oublier les nombreuses manifs de soutien au peuple palestinien, il faut une nouvelle fois évoquer la lutte antiraciste constante face aux violences policières : plusieurs incursions destructrices dans des regroupements de RromEs, et de graves violences contre des immigréEs. La plus odieuse est celle du livreur pakistanais qui, conduit au sinistre poste de police d’Omonia, est resté 8 jours à passer d’un poste à l’autre. Il a été retrouvé mort avec de nombreuses traces de coups... Justice pour Mohamed Kamrad, exigent Keerfa et d’autres associations ! Et pas le seul déplacement des deux responsables du poste d’Omonia… La convergence des luttes sera vite un objectif majeur !
A. Sartzekis, Athènes, le 13 octobre 2024