Lundi 23 février dans la nuit, le gouvernement grec a transmis à Bruxelles la liste des réformes qu’il envisage dans le cadre de l’accord qu’il a accepté vendredi dernier. Le recul est total par rapport au programme électoral de Syriza.
Cette liste a été acceptée par l’Eurogroupe (réunion des ministres des finances de la zone euro) mardi après-midi, ce qui n’est pas étonnant car elle avait été élaborée en liaison étroite avec ce que l’on appelle désormais les « institutions » (FMI, Banque centrale européenne –BCE, Commission de Bruxelles). C’est le nouveau nom de la troïka : une concession verbale au gouvernement grec mais qui ne change pas grand-chose sur le fond.Alexis Tsipras avait proclamé son refus du programme négocié par le précédent gouvernement dirigé par la droite mais vendredi dernier, il a plié : la Grèce a accepté de s’inscrire dans le cadre général de ce programme en échange de la poursuite de l’« aide » européenne durant quatre mois. Le contrôle des « institutions » est réaffirmé. Durant cette période, la Grèce s’engage à continuer à rembourser dans les délais les sommes dues au titre de la dette et à ne prendre aucune mesure unilatérale qui aurait un impact budgétaire négatif...
Des mesures sociales au rabaisParmi les mesures annoncées ce lundi, la lutte contre l’évasion fiscale et la corruption et une réorganisation de la fonction publique. Et surtout Athènes assure qu’elle ne reviendra pas sur les privatisations déjà lancées et que des nouvelles sont possibles. Les banques seront gérées selon les règles commerciales. L’augmentation du salaire minimum est repoussée et sera décidée en consultation avec les partenaires européens. Le dernier volet du programme est constitué de mesures sociales d’urgence pas vraiment précisées mais qui ne devront pas peser sur l’équilibre budgétaire.Il ne faut pas croire que la question grecque est réglée. De nouvelles négociations vont s’engager, avec des rebondissements toujours possibles. D’autant que les dernières décisions de Tsipras ont provoqué des remous importants. Certaines composantes de Syriza ont pris fermement position contre l’accord avec Bruxelles. C’est le cas de DEA, la Gauche ouvrière internationaliste (voir l’interview d’Antonis Davanellos en page 5). C’est aussi le cas de Manolis Glezos, héros de la résistance grecque et député européen. Sur un ton plus modéré, Costas Lapavitsas, économiste et député de Syriza, ainsi que Panayiotis Lafazanis, ministre du Redressement productif et chef de file du plus important courant de la gauche de Syriza (le « Courant de gauche ») ont exprimé des réserves. Manolis Glezos a lancé un appel aux militants de Syriza : « Avant toute chose, par le biais d’assemblées extraordinaires, dans toutes les organisations, quel qu’en soit le niveau, les membres et les amis de Syriza doivent décider s’ils acceptent cette situation. »
Se mobiliser contre l’accordIl faut effectivement que les militants de Syriza s’emparent directement de la situation. S’ils ne le font pas, Tsipras continuera à décider seul avec ses conseillers en contournant les instances du parti. Il importe aussi que les forces en dehors de Syriza se mobilisent, comme l’a déjà fait Antarsya, alors que le KKE et sa fraction syndicale PAME semblent décider à camper sur une position sectaire et passive.Un des moments de vérité sera le débat parlementaire autour des mesures. S’il n’y a pas une large mobilisation populaire contre l’accord et les reculs incessants de Tsipras, il n’est pas du tout sûr que les députés de la gauche de Syriza refusent au final de s’aligner sur Tsipras, comme ils l’ont fait lors de l’élection du président grec, à l’exception de l’unique députée de DEA.Hollande a eu le front de qualifier samedi l’accord de « bon compromis ». Deux hypothèses de Tsipras se sont effondrées. La première est qu’il pourrait bénéficier d’une forme de neutralité de l’Union européenne et de la BCE qui lui donneraient du temps pour négocier : la BCE, par ses décisions du 5 février dernier, a montré qu’aucune bienveillance ne serait accordée. La deuxième hypothèse de Tsipras était qu’il pourrait jouer les « bons » (la France et l’Italie) contre le « méchant » (l’Allemagne) : les sociaux-libéraux ont finalement démontré leur soumission totale aux intérêts capitalistes.Il appartient désormais aux forces qui refusent ces diktats de se mobiliser en toute clarté, contre l’UE et leur propre gouvernement, en solidarité avec le peuple grec.
Henri Wilno