Publié le Mardi 23 février 2016 à 10h58.

Grèce : Du côté de la gauche radicale

Depuis cet été, après les retournements évidents de Syriza, un espace s’est en théorie ouvert à gauche. Mais de telles situations ne suffisent pas obligatoirement pour voir la « vraie gauche » occuper le vide !

De plus, le désarroi est d’autant plus fort que le profil de Syriza, conforté par une habile politique de communication sur ses contacts avec la gauche radicale européenne, laissait attendre sinon une rupture, du moins une volonté affirmée d’aller vers des ruptures partielles, ce qui n’a pas été le cas. Autre caractéristique, si les forces militantes à la gauche de Syriza sont fortes, la tradition de sectarisme neutralise pour l’instant la possibilité d’une réponse alternative crédible.Malgré tout, depuis cet été, l’enjeu est là : pour éviter le sinistre retour de forces comme le Pasok ou Nouvelle Démocratie, sans parler de l’activisme des nazis d’Aube dorée, la construction d’une gauche radicale puissante est indispensable et urgente. Recensement des forces en présence.

Antarsya en progression

La coalition anticapitaliste est devenue une véritable référence nationale à gauche, la seule force à avoir progressé lors des législatives. Et en plus de la section grecque de la IVe Internationale, OKDE-Spartakos, elle est formée des deux plus grosses organisations de la gauche révolutionnaire : NAR et SEK. Présente dans de nombreuses luttes nationales ou locales, et notamment sur le terrain antiraciste, elle fait preuve de vitalité, comme le montrent les deux exemples suivants.Ainsi la coalition est à l’origine d’une proposition d’action commune contre les projets de casse de la retraite, et sa démarche a débouché sur un appel commun avec Unité populaire (LAE). De plus, elle est l’une des forces travaillant au développement des syndicats de base, contre le syndicalisme gouvernemental. Son implantation se traduit dans les résultats électoraux d’un des syndicats les plus actifs, OLME (enseignants du 2e degré) : alors que la tendance Syriza-LAE recule de 7 points, passant à 22,7 % (la droite reprend donc la majorité), la tendance radicale PAREMVASI passe de 14,8 à 18,7 %, et si on comptabilisait les seules régions où elle se présentait, elle serait même la première force !

Le KKE, seul contre tous...

S’il reste la première force sur le terrain, la nullité de son mot d’ordre de rassemblement populaire derrière le seul KKE ne peut convaincre que les plus sectaires. Par ailleurs, beaucoup de militantEs ouvriers ne sont pas dupes de l’écart entre un discours souvent très gauche et une pratique qui, renvoyant les solutions à la crise à un seul gouvernement du KKE, consiste à éviter toute lutte de rupture.Il semble qu’une partie de ses militantEs soient ouverts aux propositions d’unité d’action : pour la première fois, la direction du parti a dû publier un communiqué pour répondre à la proposition d’Antarsya : refus fondé sur une argumentation que bien des membres du KKE auront trouvée confuse.

Unité populaire : et maintenant ?

Ayant fait le pari de construire dans Syriza un courant de gauche, les animateurs de Unité populaire (LAE) ont raté leur sortie l’été dernier, comme l’ont montré les législatives de septembre. Estimés à 10 % fin août, ils ont au final obtenu moins de 2 % (et sont à 1,7 % dans un sondage récent). Leur soudaine nouvelle orientation de sortie de Syriza a paru incompréhensible à de nombreux sympathisantEs de gauche, indifférents aux débats internes et voyant des ministres de la veille critiquer brusquement un gouvernement qu’ils partageaient jusqu’alors. Une problème qui renvoie plus largement à leur loyalisme aux institutions et à un gouvernement auquel ses représentants, comme le dirigeant Lafazanis, ont participé sans claquer la porte dès février, alors que la démonstration était faite que Tsipras irait de reculs en reculs.

Quel avenir ? Forte de quelques milliers de militantEs, comme Antarsya, Unité populaire aura à résoudre quelques questions cruciales, comme celle de la tendance syndicale : souvent, ses syndicalistes restent dans la même tendance que Syriza, de fait soutien au gouvernement. Par ailleurs, Unité populaire semble plus ouvert aujourd’hui aux coopérations : la récente déclaration commune Antarsya - Unité populaire d’appel aux mobilisations est un point positif, et on peut espérer que les discussions pour le futur congrès permettront de clarifier la question des alliances, ainsi que celle d’un discours économique aux accents nationalistes...

D’Athènes, A. Sartzekis