Dimanche 6 novembre, les télés grecques organisent depuis le matin le spectacle : gouvernement d’union nationale ou pas, et avec quel Premier ministre ? Quelques jours après le faux suspens du « référendum », tout continue à être fait pour déposséder la population de son terrain d’expression réelle : la mobilisation de classe ! Les règles du pouvoir aujourd’hui posées, avec comme enjeu de savoir si le Premier ministre qui accentuera l’étranglement de la population sera Pasok ou Nouvelle Démocratie (ND) ou même sans parti, sont sans ambiguïté : pas question de donner la parole au peuple ! Mais il ne faut pas s’y tromper : l’annonce d’un référendum par le Premier ministre Papandréou relevait de la même confiscation, et il n’y avait aucune raison de se féliciter d’une initiative qui aurait été la conséquence de la pression populaire, relevant ainsi d’une démarche démocratique... En fait de démocratie, en Grèce, aucune force de gauche ne demandait à ce moment un tel référendum !
De plus, il semble bien que le ministre de l’Économie allemand ait été assez tôt mis dans la confidence de cette manœuvre de la direction Pasok, avancée pour forcer le chef de la ND, Antonis Samaras, à accepter un gouvernement d’union nationale. Mais le plus important, c’est que le cadre d’un tel référendum s’esquissait déjà : organisé en décembre, avant le versement de la 6e tranche attendue, avec chantage aux caisses vides et salaires de fonctionnaires non réglés… Un chantage mille fois supérieur à celui du référendum européen en France en 2005. Dans une situation de survie qui commence à se poser pour des centaines de milliers de familles, quel en aurait été le cadre démocratique ? Et pourtant, cette annonce a débouché sur une crise politique retentissante. Crise politique historiqueD’abord celle du Pasok, aujourd’hui totalement désavoué par son électorat et en proie à une crise interne peu visible à la direction (les députés râlent mais finissent par approuver, comme on vient de le voir avec le vote de confiance de vendredi soir), mais évidente à la base, syndicale en particulier. Non seulement la direction est à l’opposé de ses promesses électorales minimalistes de 2009, mais son comportement est celui d’un pouvoir réduit à la répression, sans autre perspective que de s’accrocher à ses privilèges, et au service du capitalisme faute de projets alternatifs.
Papandréou navigue chaque jour davantage à vue, et son référendum refusé par l’opposition depuis plusieurs mois, est venu juste après les grosses manifestations populaires le jour de la fête nationale. Ce n’était donc qu’un petit coup de poker d’un politicien en fin de course, même si cela a troublé le show rêvé par Sarkozy pour le G20. Et pourtant, la panique qui en a découlé révèle la terreur des politiciens bourgeois devant les conséquences incalculables du moindre grain de sable ! D’où l’ordre de l’UE de ne pas organiser le référendum, le retournement immédiat et la recherche d’un gouvernement d’union nationale qui pourrait disposer d’une autorité provisoire suffisante pour asséner la suite des mauvais coups voulus par le FMI et l’UE. Quelles perspectives ?Hormis l’extrême droite appuyant Papandréou, voyant là l’occasion de se renforcer et de préparer des lendemains encore plus musclés, aucune direction politique ne voulait, jusqu’à cette semaine, d’union nationale. La droite s’y prépare désormais, jouant la montre pour gagner le plus de strapontins, sachant que les élections législatives qu’elle réclame ne donneront pas de majorité (dans le meilleur des cas, 30 % pour elle, 20 % pour le Pasok, 10 % pour le KKE - PC grec).
Mettre en avant la tenue de législatives comme le font le KKE et Syriza (gauche radicale) n’est donc pas la solution à la crise politique : il est de plus en plus clair que la crainte des bourgeoisies grecque et européenne, ce sont les mobilisations croissantes, avec chaque fois de nouveaux exemples. Ainsi, cette semaine, des mairies de banlieues populaires appellent les citoyens à ne pas payer les taxes sur le logement tombées avec les factures d’électricité, se retrouvant sur la même ligne que des mouvements comme « Den Plirono » (« Je ne paie pas ») !
Que les mobilisations gagnent en puissance et en confiance, avec comme préalable d’imposer l’unité d’action à gauche, voilà qui semble la seule perspective qui permettrait de poser ce qui devient l’enjeu : la question du pouvoir ! C’est dans une telle perspective que vient d’ailleurs de se tenir le congrès du rassemblement de la gauche anticapitaliste Antarsya, avec 900 déléguéEs représentant 3 000 membres répartis dans 70 comités. Acte prometteur, nous y reviendrons !
A. Sartzekis