Ces dernières semaines, les mobilisations reprennent beaucoup de souffle en Grèce : grève nationale du 27 novembre, importantes manifs étudiantes, mobilisations ici ou là pour la défense de l'environnement, totalement délaissée par le gouvernement droite-PASOK de Samaras pour satisfaire les intérêts privés...
Mais à l'approche du 6 décembre, date anniversaire du meurtre du jeune Alexis Grigoropoulos par un flic en 2008, une autre mobilisation large et déterminée a vu le jour : le soutien à la revendication du droit aux études refusée à Nikos Romanos, ami d'Alexis et qui s'était fait arrêter en train de braquer une banque, se revendiquant de la mouvance anarchiste. Ce droit à sortir de prison pour aller suivre des cours a été récemment remis en cause par le gouvernement, et il s'inscrit dans le cadre d'une politique de répression accrue et d'isolement de prisonniers aux motifs politiques, quel que soit le jugement qu'on peut porter sur la dimension d'action de de masse d'une attaque de banque. Devant ce refus, Romanos a entamé une grève de la faim, et il en est au 28ème jour : sa vie est clairement en danger, d'autant qu'il envisage désormais de passer à la grève de la soif. Loin d'isoler le jeune militant, l'intransigeance gouvernementale a entraîné un assez large soutien dans l'opinion publique, qui s'est traduit par plusieurs manifestations importantes. Différentes forces politiques comme Antarsya et Syriza réclament que soit remis immédiatement en vigueur le droit aux études pour les prisonniers et bien sûr, les différents courants de ce qu'on appelle les ''anti-pouvoir'' se mobilisent, participant notamment à l'occupation de l'Ecole Polytechnique. Le fait qu'une partie du mouvement ouvrier se mobilise pour empêcher la mort de Nikos Romanos est très important dans une situation où les attaques contre les droits démocratiques sont quotidiennes de la part d'un pouvoir dont la survie politique se rétrécit dangereusement. Cette solidarité permet précisément d'empêcher 2 choses :
-l'isolement dans lequel se complait une partie de la mouvance ''anti-pouvoir'' et qui se traduit par une lecture politique ahurissante : ainsi ont circulé sur les réseaux français des textes présentant la situation de ces derniers jours comme l'émeute sociale généralisée et l'occupation de l'Ecole Polytechnique comme la suite directe de celle de 1973. Or, cela est clair : rien à voir avec les émeutes nationales qui en 2008 avaient suivi le meurtre d'Alexis. Et en même temps, un mouvement plus profond, plus structuré, qui veut sauver la vie d'un jeune militant et qui se veut en lien avec les mobilisations des travailleurs, ce qui traduit l'exigence d'un avenir décent de la part des milliers de jeunes participant aux manifs.
-le scénario apparemment rêvé par le pouvoir d'une grosse émeute qui lui permettrait en réprimant les ''casseurs'' et après avoir bien montré les dégâts provoqués par les ''vandales'' de créer le mouvement d'opinion en sa faveur. Pour cela, il peut compter sur sa police, dont on sait qu'elle est bien infiltrée par les nazis de Chryssi Avgi. Or, justement, ce scénario a pu être dénoncé déjà à plusieurs reprises : mardi dernier, après une grosse manif de soutien à Romanos, quelques centaines de manifestants sont allés jusqu'au quartier d'Exarcheia, et là, des manifestants ont fait brûler quelques poubelles et voitures. Or, alors que ces derniers temps, la moindre manif est marquées aux talons par les gros souliers des flics qui n'hésitent pas à attaquer sans raison des cortèges de manifs comme le 17 novembre, les rues d'Exarcheia ont été laissées sans forces de ''l'ordre'' pendant une ou deux heures, et, entre autres exemples, deux voitures ont pu brûler pendant une heure dans une petite rue avec risque de mettre le feu aux immeubles, sans qu'on ne voie apparaître ni police ni pompiers. De même hier soir, les reporters de Kokkino, la radio de Syriza, décrivaient-ils un groupe de 70 flics habillés en manifestants et allant se fondre dans le bloc de la place Exarcheia. Résultat de cette vigilance anti-provocation : certes, le pouvoir a pu montrer ce matin quelques magasins pillés, mais son opération semble pour le moment avoir en grande partie raté . Ce que retient une partie de l'opinion, c'est la violence gratuite des flics, qui sont allés par exemple jusqu'à balancer des lacrymos à l'intérieur de la bourse du travail à Salonique. Et une bonne partie des habitants d'Exarcheia souhaite aussi que la police disparaisse du quartier, ses descentes provocatrices étant à l'origine des incidents, comme le 17 novembre au soir.
Ce qu'il faut retenir en ce dimanche soir, c'est bien plutôt la force des manifs hier : à Athènes, la principale manif (15 000 personnes) regroupait étudiants, lycéens, avec des cortèges d'Antarsya et Syriza , une autre appelée notamment par la mouvance ''antipouvoir'' regroupant environ 10 000 manifestants. Dans les deux cas, gravité et résolution dans la commémoration de l'assassinat d'Alexis et le soutien à Nikos Romanos. Et de grosses manifs dans plusieurs villes , avec provocations des flics à Salonique, à Patras... Et dans le centre d'Athènes qui en outre avait été bouclé ces deux derniers jours (visite du 1èr ministre turc), aujourd'hui ce sont les syndicats qui appellent à se rassembler pour dire non au budget de misère que les députés de la troïka s'apprêtent à voter.
Chasser ce gouvernement qui joue avec nos vies pour rester au pouvoir devient chaque jour plus urgent !
D'Athènes, A. Sartzekis