Ce dimanche soir , Tsipras a prononcé son discours de politique générale. Ferme à première écoute, ce discours reflète pourtant les prudences légalistes de Syriza (insistance finale : « nous serons jusqu’au bout au service de la Constitution ») face à une bourgeoisie européenne résolue : la Grèce doit obéir aux diktats, le vote du peuple grec est sans importance !
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l est donc urgent de savoir se positionner dans ce qui est une véritable bataille visant à décourager le peuple espagnol ou portugais de voter demain contre les politiques d’austérité. Raison de plus de se mobiliser à l’échelle européenne contre le coup d’État permanent que constitue la politique de misère des technocrates de l’Union européenne !
L’union sacrée contre le vote grec
Comme on pouvait s’y attendre, les masques sont vite tombés... Après les caresses hypocrites des Junker, Schultz et Hollande, tout ce beau monde s’est rallié à la consigne allemande : la Grèce doit respecter les mémorandums et la troïka. Aucune surprise de ce côté, sinon la conviction maintenue de la part de courants de la majorité de Syriza que les contacts internationaux pris ces derniers jours par Tsipras ou le ministre Varoufakis ont amené une partie des gouvernements européens à voir favorablement la politique Syriza.
Pourtant, la Banque centrale européenne retirant soudain un canal de financement de la Grèce, les affirmations de Hollande sur la récupération des sommes « prêtées », et d’une manière générale les déclarations des dirigeants sociaux-démocrates sur le respect des « engagements de la Grèce » sont claires : l’UE et la bourgeoisie européenne unies attaquent illico le vote du peuple grec.
En retour, les sondages montrent une forte réaction de soutien au gouvernement sur une base de souveraineté nationale niée par l’UE : 72 % ! Pour autant, il n’y a pas de cadre d’union nationale, malgré les déclarations de soutien à Syriza comme celles de Papandreou ou Stournaras, gouverneur de la Banque de Grèce et ancien ministre des Finances au service de la troïka...
Syriza : des annonces fermes, mais...
Dans son discours du 8 février, Tsipras a gardé le cap : le peuple a voté la fin des mémorandums et de la troïka. Le Premier ministre a rappelé l’urgence humanitaire qui se traduit par des mesures immédiates de gratuité de l’eau et de l’électricité pour les plus démunis, et plus de justice : retour aux négociations collectives, à la même rémunération que les autres travailleurs pour les moins de 25 ans... En apparence, les mesures du programme de Thessalonique, mais dans le détail, un étalement dans le temps des mesures, en fonction des avancées de négociations portant sur des délais pour faire accepter en Europe un « programme passerelle » qui permettrait de lutter contre le désastre humanitaire et de rester dans le cadre de l’UE.
En attendant, le discours du gouvernement traduit ce recul par rapport aux urgences : le SMIC ne sera porté à 750 euros (niveau de 2009) qu’en 2016, les mesures d’arrêt des privatisations restent dans le flou, le budget voté par l’ancienne majorité sera respecté. Une tonalité entendue de la part d’autres ministres : ainsi, le ministre de l’Intérieur répond au syndicat POE-OTA que les promesses électorales sur la réintégration des fonctionnaires licenciés se concrétiseraient en fonction des négociations internationales...
Se mobiliser pour imposer les mesures favorables !
Pire, face aux menaces européennes (asphyxie monétaire dans 15 jours ?), le cadre de la soi-disant « négociation » a déjà changé : pour montrer sa bonne volonté, la revendication d’effacement d’une « grande partie de la dette » est retirée, ainsi que la proposition d’internationaliser la discussion sur la dette, via une « conférence européenne ». On entend même monter un nouveau discours renationalisant la question de la dette, l’attribuant à la fraude nationale et non plus aux banques ou au capitalisme. Tout cela constitue des avances en vue d’un compromis « mutuellement acceptable ».
Pour débloquer ce cadre mêlant pressions européennes et premiers reculs de Syriza, les mobilisations populaires seront décisives pour permettre de faire appliquer les mesures sociales indispensables. Jeudi 5 février, des milliers de manifestantEs se sont regroupés à Athènes – avec un parfum de rassemblement des Indignés – et dans plusieurs autres villes. Mercredi 11, nouvelle journée : il est crucial que partout, en Grèce et ailleurs en Europe, les jeunes, les travailleurEs et retraitéEs descendent par dizaines de milliers dans les rues !
D’Athènes, Tassos Anastassiadis et Andreas Sartzekis