Il y a quelque chose de pathétique à voir Tsipras multiplier cette semaine les sourires à Moscovici, venu « en ami de la Grèce »… rappeler que si le gouvernement grec voulait voir le versement de deux milliards d’euros, il devait très vite avancer sur quelques dossiers, en particulier celui des propriétaires de logement ne pouvant rembourser leur emprunt.
Mais pendant ce temps, la colère grandit dans la population : même si ce gouvernement a été réélu pour ne pas revoir au pouvoir la droite et le Pasok, la confiance n’est plus là, et le fait que le gouvernement s’enfonce chaque jour davantage dans une gestion assumée des affaires du capital commence à libérer bien des travailleurEs de la gêne à se battre contre le gouvernement de Syriza. Il va de soi que les promesses de Tsipras de « neutraliser » l’application du mémorandum ne sont que du vent, et la misère continue, avec des perspectives de hausse du chômage.
Nouvelles mobilisations
Face à cela, la riposte commence à s’organiser, avec bien des difficultés. Et cette semaine ont eu lieu de prometteuses mobilisations. La première, c’est celle des travailleurs des ports, promis à la privatisation, avec une perspective de réduction des emplois qui pourrait atteindre 50 % ! À l’appel de leurs syndicats, des milliers de travailleurEs de tous les ports de Grèce se sont lancés dans une grève reconduite sur 4 jours, et stoppée sur manœuvre bureaucratique de PAME, le courant syndical du KKE qui, malgré sa forte implantation dans ce secteur, n’arrivait pas à contrôler la mobilisation.
Autre forte mobilisation cette semaine, celles de la jeunesse scolarisée, avec lundi 2 novembre le retour des lycéenEs sur le pavé de plusieurs villes du pays pour réclamer, comme sous la droite, la gratuité de l’éducation, des manuels, et la nomination des enseignants nécessaires (des milliers de postes sont non pourvus). Défense de Filis, le nouveau ministre : c’est un héritage des gouvernements précédents... Un discours bien connu qui n’a pas convaincu : des dizaines d’établissements ont été occupés, malgré les menaces de poursuites pénales (des lois de droite pas abrogées par Syriza). Dans les revendications, à côté de la dénonciation des nouveaux examens de fin de lycée figure celle du refus que des mécènes puissent faire leur entrée dans le financement des écoles publiques. Au côté des lycéens, on pouvait voir de nombreux parents et enseignants (OLME, le syndicat du secondaire, avait décidé d’un arrêt de travail).
Et ce jeudi 5 novembre, les étudiantEs ont pris le relais, avec à Athènes une manifestation appelée par 22 syndicats des universités locales, et des milliers d’étudiantEs dans les rues, pour revendiquer une éducation publique gratuite et la fin des coupes dans les budgets des universités. Parmi les mots d’ordre, « La formation n’est pas une conserve à vendre, les étudiants ne sont pas des clients ! » À Thessalonique, la manifestation s’est aussi tournée contre le maire, Boutaris, qui verrait bien des frais d’inscription de 500 euros !
Vers la grève générale du 12 novembre
Si on rajoute plusieurs manifestations antifascistes, on voit que la semaine a été riche. Mais il faut à ce sujet souligner deux points : d’abord le fait que les nazis tentent de relever la tête, une tête qu’ils avaient quelque peu baissée ces derniers mois.
Lors d’un rassemblement en mémoire des crimes contre les Grecs du Pont (entre 1916 et 1923, au moins 360 000 Grecs de cette région ont été massacrés par les Turcs), les nazis sont arrivés en force, confisquant le rassemblement et s’en prenant à des députés présents. Et évidemment, c’est sur le terrain du racisme antiréfugiés que les nazis tentent aussi de réapparaître, mais l’organisation de la solidarité – la gauche radicale et révolutionnaire est très engagée dans ce qui est une bataille de longue haleine – est pour l’heure la plus forte. Parmi les revendications les plus souvent avancées, faire tomber le mur de fer construit par la droite sur le fleuve Evros, frontière avec la Turquie. Signe des temps : cette semaine, Tsipras, qui défendait ce mot d’ordre avec Syriza, a doctement expliqué qu’en fait, on ne peut pas demander cela et que ceux qui le demandent manquent de connaissances sur la question...
Quoi qu’il en soit, la semaine passée a créé un climat qui permettra – peut-on espérer – que la grève générale de ce jeudi 12 novembre soit une réussite. Il y a plusieurs enjeux : relance des mobilisations ouvrières unitaires ; positionnement du courant syndical META lié à Syriza ; possibilité pour les syndicats de base d’avancer dans une coordination permanente, posant en même temps la question du « syndicalisme officiel » en Grèce (GSEE, la confédération du privé, est toujours dirigée par le Pasok). Mais bien évidemment, l’enjeu principal reste de s’opposer massivement dans la rue à un gouvernement Syriza aujourd’hui en charge de la stricte application des mémorandums. Et de préparer la suite.
D’Athènes, A. Sartzekis