Publié le Mercredi 24 octobre 2018 à 15h00.

Grève générale au Costa Rica : « Peut-être que nous pouvons gagner dans les prochaines semaines »

Esteban Fernandez est enseignant en philosophie à l'Université du Costa Rica (UCR). Il est membre d'Organizacion Socialista, une organisation récemment fondée par des jeunes proches du Partido de Trabajadores Socialista argentin. Il revient avec nous sur la grève générale qui secoue le Costa Rica depuis mi-septembre. 

Le 10 septembre a commencé la grève contre la réforme des impôts. Peux-tu nous expliquer pourquoi cette réforme est si impopulaire ?

Cette réforme nous est imposée par le FMI et le gouvernement de Carlos Alvarado. Elle est une « nécessité », sinon le FMI ne prêtera plus d'argent au Costa Rica. Alors afin de garder la « confiance » du FMI, le gouvernement mène une attaque contre les salaires et les programmes sociaux; et également contre le budget de l’éducation. Il va taxer la consommation pour tout le monde sur la base du salaire. 

Quels sont les secteurs les plus investis dans la grève ? À quel point la population est-elle impliquée ? On a vu aux infos beaucoup de blocages de routes...

On peut dire qu'il y a deux côtés à la grève. Cette grève a conduit aux plus grosses manifestations dans l'histoire du Costa Rica, plus de 300 000 personnes dans la rue à deux reprises. Pour parler clairement la grève est la plus forte dans le secteur public vu que les droits syndicaux sont quasi-inexistants dans le secteur privé. Et les enseignants sont les troupes principales dans ce combat. Mais dans la campagne la grève a été soutenue par les paysans qui luttent contre leur prolétarisation, par les peuples indigènes qui se battent pour leur autodétermination et en général par la population rurale, le pueblo. C'est très important de remarquer que la classe ouvrière dans un état très transitionnel unit sous son aile tous les exploités et les opprimés. 

Quel est le niveau de répression contre les grévistes et les manifestantEs ? 

Le Costa Rica a un régime démocratique depuis 1948. Mais pour les critères du Costa Rica la répression a été très forte. Ils ont usé du gaz contre les travailleurs qui manifestaient, ils nous ont fait tabasser par la police anti-émeutes, ils se sont servis de policiers à moto pour nous intimider et ainsi de suite. Jusqu'à maintenant des manifestants ont été arrêtés. Et dans les endroits comme les universités le gouvernement se sert de répression douce pour éviter l'irruption de la grève.

Comment est organisée la grève au niveau local, par exemple dans ton université ? 

Comme je l'ai dit, à la campagne la grève est le produit de plusieurs organisations. À San José la capitale la grève est menée par les directions syndicales bureaucratiques, mais elles ne contrôlent pas tous les éléments du mouvement. Dans mon université, les choses ont été très compliquées à cause de toute l'influence que le gouvernement a dans la structure universitaire. Cependant nous avons réussi à créer une assemblée des étudiants et des travailleurs. Cette assemblée a joué un rôle aux cotés du syndicat, et a fait plusieurs activités comme des blocages de routes, des manifs, etc. 

Quel est l'état actuel des négociations entre les syndicats et le gouvernement ?

Actuellement le gouvernement a fait passer la réforme lors du premier débat à l'Assemblée législative, et il y en aura un second. C'est une victoire pour le gouvernement, mais pas décisive. Selon la direction bureaucratique la grève connaît une « pause ». Il faut attendre et voir ce qui arrive dans le second débat. Il est important de noter qu'il y a deux semaines il y avait une fenêtre pour la victoire contre le FMI. Peut-être que nous pouvons gagner dans les prochaines semaines.

Quel est le rôle de l’extrême gauche dans la grève ? 

Autant que je sache le PT [plus grande organisation d’extrême gauche costaricaine, section costaricaine de la LIT-CI] a adopté une position d'opposition politique contre le gouvernement et contre la direction bureaucratique des syndicats mais je ne pense pas qu'ils maintiennent cette position dans les syndicats et ils n'ont joué presque aucun rôle dans l'organisation d'activités. Nous [Organizacion socialista] sommes confinés aux universités et, vu que la grève a été beaucoup réprimée sur le campus, on a du militer bec et ongle dans les conditions les plus difficiles et on a pu organiser certaines des actions entre étudiants et travailleurs. 

Propos recueillis par Stan Miller