Après le massacre du 28 septembre, la junte militaire est isolée. Elle ne doit pas rester impunie.
En prenant le pouvoir après la mort de l’autocrate Lansana Conté, en décembre 2008, le capitaine Dadis Camara avait promis de redonner le pouvoir aux civils par une élection présidentielle à laquelle la junte ne participerait pas. Il avait aussi promis de lutter contre la corruption et les narcos trafiquants. La population avait bien accueilli cette prise de pouvoir, d’autant que, les premiers mois, un début de changement se faisait sentir dans la lutte contre la corruption.
Mais les promesses se sont vite envolées. Le 15 avril, Camara a déclaréqu’il se donnait le droit de se présenter àl’élection présidentielle et a renforcé son pouvoir en installant des officiers de l’armée aux postes clefs, en interdisant les meetings de l’opposition et en utilisant les ressources de l’État pour financer une campagne «Dadis doit rester».
L’opposition a perçu le danger. Elle a fait taire ses divisions et mené dans tout le pays une campagne contre la junte. C’est dans ce cadre qu’un meeting, dans le stade de Conakry, a été organisé le 28 septembre, rassemblant plus de 50000 Guinéens. L’armée est intervenue de façon préméditée, tirant sur la foule, violant les femmes, passant à tabac les dirigeants de l’opposition. Le décompte, provisoire, fait état de plus de 160 morts et de 1 500 blessés. Des familles n’ont toujours pas de nouvelles de leurs proches disparus.
Depuis le massacre à de Conakry, la junte est complètement isolée tant au niveau international – à l’exception de la Chine et de la Libye – qu’au niveau intérieur. Des dizaines de milliers de Guinéens ont fait grève, le 28 octobre, pour demander le départ de la junte.
C’est Paris qui a formé la garde présidentielle qui s’est particulièrement illustrée dans les massacres de manifestants et le saccage des locaux syndicaux lors des grèves générales de 2006 et 2007 contre la dictature de Lansana Conté.
Si les puissances impérialistes s’intéressent tant à la Guinée, c’est d’abord pour préserver la stabilité dans une région où, des quatre pays frontaliers, trois (Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire) ont connu une guerre civile et le dernier, la Guinée Bissau, est considéré comme un État narco-trafiquant. De plus, la Guinée est un des premiers fournisseurs de bauxite et possède un sous-sol riche en fer et en or avec un potentiel de pétrole off-shore. Tout cela en fait la cible parfaite pour les multinationales, ce qui expliquerait l’engouement de Kouchner pour une intervention militaire. À titre humanitaire, évidemment…
Paul Martial