Le mouvement de mars-avril dernier avait braqué les projecteurs sur les impasses de la politique française dans le dernier territoire sous tutelle du continent sud-américain. Six mois après la signature de l’Accord de Guyane, la visite du Président Macron s’est placée sous le signe du mépris, de la provocation, de la division et de l’arnaque.
Un mépris bien colonial, avant même son arrivée, avec l’affaire de la note de « conseils sanitaires» de l’Élysée qui met en garde les journalistes contre tout contact avec l’eau du robinet, des rivières, les animaux, les relations sexuelles et une épidémie de zika maitrisée depuis un an.
Provocation et arnaque
Un sens maîtrisé de la provocation, avec la comparaison avec le Père Noël qui laisse penser que le peuple attend des cadeaux de l’État français, alors qu’il suffirait que le Centre spatial paie normalement les impôts, et que l’État rétrocède les terres aux collectivités, par exemple, pour que le territoire puisse se développer plus harmonieusement.
Une opération de division en bonne et due forme, en jouant les élus – largement soumis aux gouvernements successifs, en particulier le Président de la Collectivité territoriale (CTG) Rodolphe Alexandre – contre les collectifs, et en axant ses annonces sur l’immigration et l’insécurité, renforçant les logiques dangereuses du bouc-émissaire.
Une arnaque digne d’un mauvais feuilleton, quand Macron vient s’afficher dans les quartiers populaires de Cayenne, faisant des selfies avec des prostituées ou devant des sound-system, pour éviter de rencontrer les manifestantEs du centre-ville.
Les enjeux restent entiers
Cependant, au-delà de la communication d’un Président qui est le pur produit des agences de médias et des banques, les enjeux guyanais restent entiers.
L’Accord de Guyane prévoyait la rétrocession de 650 000 hectares aux peuples autochtones et à la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), le désenclavement via la route de Maripasoula, la définition d’un Projet Guyane pour répondre aux blocages identifiés par les différents pôles du mouvement (éducation, santé, foncier, sécurité, culture, économie, social…), et la possibilité, à l’issue d’états généraux, de consulter la population sur un nouveau statut modifiant le rapport à la France. Concernant les investissements dans les infrastructures, le protocole reprenait le chiffre de 2,1 milliards d’euros estimé lors des négociations, en plus d’un premier milliard accordé rapidement par le gouvernement précédent et reprenant pour l’essentiel des financements déjà prévus.
Des revendications qui ne peuvent être ignorées
L’État a choisi de s’asseoir sur la majorité de ces engagements. Macron a délibérément ignoré les membres du Kolektif Pou Lagwiyann Dékolé (KPLD) regroupant les syndicats et associations mobilisées, et porte donc l’entière responsabilité des affrontements qu’a connus Cayenne pendant deux jours : gaz lacrymogènes et tirs au flash-ball devant la préfecture à l’issue d’une manifestation d’un millier de personnes, arrestations, entraînant une nuit d’émeute sur la principale artère du centre-ville.
Le pouvoir mise sur la démoralisation de la population et veut garder la main à travers d’énièmes Assises de l’outre-mer. Il ne pourra pourtant ignorer les revendications populaires à l’heure où en Catalogne, mais aussi en Kanaky (Nouvelle-Calédonie), ou en Corse, la crise des États renforce les volontés d’auto-détermination.
Vincent Touchaleaume