Selon les commentateurs avisés, par ailleurs grands avocats de l’austérité, dans la tentative de coup d’État financier contre le peuple grec et son gouvernement, la chancelière allemande, Angela Merkel, serait aux avant-postes de l’intransigeance, et le président français, François Hollande, jouerait un rôle plus modéré voire même conciliant... La réalité est pourtant bien différente de ce conte pour enfants.
Certes, François Hollande n’a pas enfourché le char d’assaut de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui répand sa haine de classe contre « la politique irresponsable » de Syriza : « donner raison à M. Tsipras reviendrait à déjuger tous les gouvernements européens qui ont fait le choix de la raison » (le Monde du 1er juillet). Il est difficile d’être plus clair : s’opposer à la politique néolibérale et à ses effets dramatiques ne peut être qu’au minimum déraisonnable pour ne pas dire de la folie...
« Responsables » et coupables !
Tous les responsables français, à quelque niveau de pouvoir qu’ils soient, sont engagés dans une même entreprise : faire renoncer le peuple grec, lui faire admettre qu’il n’y pas d’autre politique possible que celle de la troïka. C’est le cas du commissaire européen Pierre Moscovici et du ministre des Finances Michel Sapin, se répandant tous deux dans les médias pour expliquer que c’est un devoir moral de payer ses dettes... Dans Libération du 2 juillet, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, nous refaisait pour la énième fois le coup de la différence entre la « gauche » de gouvernement et la gauche utopiste : « Quand on est à la tête d’un pays et de gauche, on a des responsabilités. On ne peut avancer avec des œillères et mener nos partenaires dans l’impasse. »
Effectivement, la politique du gouvernement Hollande-Valls en est une brillante illustration... Elle se chiffre en centaines de milliards pour le patronat : 50 milliards au titre du Pacte dit de « responsabilité et de solidarité », 33 milliards depuis 2013 au titre du Crédit d’impôts pour la compétitivité et l’emploi, auxquels il faut ajouter les quelques 30 milliards annuels d’exonérations de cotisations sociales pour le patronat. Dans ces conditions, que représentent les 42 milliards de la dette grecque ? D’autant plus que cette somme est devenue une dette « publique » par le rachat des dettes privées des banques.
En application du principe de la privatisation des profits et de la collectivisation des pertes, le gouvernement français campe droit dans ses bottes concernant l’obligation de respecter les règles néolibérales et la mise en pièces des conquêtes sociales. Moralité : on conduit une politique de droite comme l’illustre la loi Macron, et on force les Grecs à payer une dette dont ils n’ont pas reçu le moindre euro.
Le grain de sable
Dans un communiqué du 30 juin, le gouvernement Hollande-Valls considère que « la Grèce a décidé d’interrompre les négociations. » Il y a de quoi s’étrangler quand on connaît la signification du mot « négociation » pour les institutions européennes et le FMI. Pour ces gens-là, cela consiste à refuser catégoriquement les propositions du gouvernement grec jusqu’au moment où, fatigué, sous pression, ce dernier acceptera de capituler. Le communiqué gouvernemental valide cette démarche : « la solidarité est toujours possible quand la responsabilité est là, et c’est cette idée de l’Europe que la France continuera à faire prévaloir. » Traduit en langage populaire : quel que soit le résultat du référendum, on ne changera rien !
Mais le Non franc et massif du peuple grec à l’austérité permanente ébranle les champions du néolibéralisme et des pratiques antidémocratiques. Un élément nouveau, le grain de sable susceptible d’enrayer la machine si chère à François Hollande et à Angela Merkel.
Émile Fabrol