Fin août, la cheffe de l’exécutif Carrie Lam avait réaffirmé avec force qu’elle refusait de retirer le projet de loi d’extradition, qui visait à rendre possible le transfert sur le continent de toute personne présente sur le territoire de Hong Kong, afin de la faire juger par des tribunaux aux ordres du pouvoir de Pékin. Et cela malgré plus de trois mois de mobilisations dont certaines ont regroupé la majorité des personnes en âge de manifester, d’actions radicales ayant le soutien de la majorité de la population, ainsi que de grèves de salariéEs. Le 4 septembre, il a été brusquement annoncé que le projet de loi avait été enfin retiré.
En réalité, ce qu’a promis Carrie Lam n’est pas un retrait immédiat. Il s’agit seulement d’un plan visant à « présenter une motion pour annuler le projet de loi conformément au règlement intérieur du Parlement lorsque celui-ci reprendra ses séances » qui auront lieu à la mi-octobre.
Ce ne serait pas la première fois, à Hong Kong, qu’une promesse ne serait pas tenue. C’est par exemple le cas de celle qui avait été faite en 1984 d’élection au suffrage universel des pouvoirs exécutif et législatif… Le système institutionnel antidémocratique en place laisse en effet aux partisans de Pékin le choix de la présidence de l’exécutif, et leur accorde la majorité à l’Assemblée législative. Et cela, alors que les opposantEs au pouvoir de Pékin ont toujours été majoritaires lors des élections ! Résultat, les députés pro-Pékin ont la possibilité de bloquer à tout moment l’adoption d’un texte qui aurait le malheur de leur déplaire.
Quatre revendications essentielles
Par ailleurs, trois mois se sont écoulés depuis juin, avec des manifestations devenues presque quotidiennes, plus de 1 200 arrestations, huit suicides, ainsi que de nombreux blesséEs à cause de la brutalité policière et des attaques de la mafia locale bénéficiant de la complicité de la police.
Carrie Lam s’est elle-même accusée le 2 septembre de porter la responsabilité de la situation qu’Hong Kong connait depuis plus de trois mois. Elle a même ajouté que cette faute était « impardonnable ». Si elle était sincère, elle aurait donc dû satisfaire immédiatement les quatre revendications qui se sont ajoutées à la revendication initiale de retrait du projet de loi :
1) Le retrait de la caractérisation « d’émeute » pour qualifier les actes attribués à certaines personnes arrêtées. Cette qualification peut en effet se traduire par des peines allant jusqu’à dix ans de prison ;
2) La libération sans condition de touTEs les manifestantEs arrêtés, sans inculpation ;
3) Une enquête indépendante sur les violences policières et les abus de pouvoir. Environ 80 % de la population refuse de s’en remettre à l’équivalent de l’IGPN en France, et soutient cette revendication ;
4) La mise en œuvre du suffrage universel intégral promis en 1984.
Mais Carrie Lam refuse catégoriquement de céder sur ces quatre points.
« Soigner la gangrène avec un sparadrap »
Pour toutes ces raisons, l’immense majorité de la population estime que ce qu’a promis Carrie Lam, c’est « trop peu et trop tard ». Ses annonces reviennent à vouloir « soigner la gangrène avec un sparadrap » explique une militante. Les mobilisations continuent donc, avec notamment le début du boycott des cours dans les lycées et universités, ainsi que des tentatives de bloquer l’aéroport.
« Ils n’ont rien concédé et une répression à grande échelle est en cours », explique Joshua Wong, arrêté plus relâché ces derniers jours comme une dizaine d’autres militantEs ou députéEs. Depuis juin, plus de 20 licenciements ont notamment eu lieu dans le transport aérien, où l’appel à la grève générale du 5 août a été particulièrement suivi. Une grande partie des licenciéEs avaient simplement exprimé sur les réseaux sociaux leur sympathie pour le mouvement, ou participé à des manifestations en ville. Parmi elles, figure la présidente d’un des syndicats du groupe Cathay Pacific.
La solidarité internationale est plus nécessaire que jamais face à la répression, ainsi que contre l’envoi de matériel répressif. Les nouveaux canons à eau de la police ont par exemple été fabriqués en France par une filiale de Mercedes…
Diverses initiatives ont déjà eu lieu cet été dans plusieurs pays. D’autres sont en préparation, notamment en France.
Dominique Lerouge