Les opérations militaires soutenues par les États-Unis pour chasser Daesh, « l’État islamique » (EI), de la ville de Mossoul entrent maintenant dans leur sixième mois.
L’État islamique a été délogé de la plus grande partie de la ville. L’ensemble de l’est et environ la moitié de l’ouest de la ville sont sous contrôle des forces armées gouvernementales irakiennes, avec l’assistance des milices paramilitaires du Hachd al-Chaabi (« mobilisation populaire »). Les opérations militaires des deux dernières semaines ont néanmoins été ralenties, car les combats se déroulaient dans la vieille ville aux ruelles étroites, tandis que les combattants de l’EI résistaient férocement en utilisant des moyens multiples comme les voitures piégées et les snipers. Il y aurait 400 000 habitantEs dans la vieille ville, et environ 600 000 personnes se trouvent dans les zones encore tenues par l’EI, qui représentent environ 60 % de Mossoul-Ouest.
Le mercredi 22 mars s’est tenue à Washington une réunion des pays de la coalition internationale luttant contre l’EI en Syrie et en Irak, devant laquelle le secrétaire d’État américain Rex Tillerson a promis l’éradication de cette « force mondiale du mal » et l’élimination prochaine de son chef Abou Bakr al-Baghdadi. Deux jours plus tôt, le 20 mars, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi avait affirmé qu’il avait obtenu des garanties de soutiens supplémentaires des États-Unis lors de discussions avec le président Donald Trump et ses conseillers à Washington.
Des pertes civiles par milliers...
Mais à Mossoul, les civils continuent de souffrir. Les combats depuis le début de l’offensive en octobre ont déplacé jusqu’à 355 000 personnes, tandis que le bilan des morts civils est estimé à environ 3 500. Les bombardements de l’aviation des États-Unis y participent. Environ 230 personnes auraient été tuées dans une frappe aérienne de la coalition sur un quartier tenu par l’EI à Mossoul en début de semaine dernière. À la suite de cet acte, les forces gouvernementales irakiennes ont décidé le samedi 25 mars de suspendre les opérations militaires en raison du nombre élevé de victimes civiles. Une stratégie moins coûteuse en pertes civiles est à l’étude...
Les pertes civiles causées par les bombardements de l’aviation étatsunienne ne s’arrêtent pas à l’Irak. La même semaine, plus de 40 civils ont été tués en Syrie dans des raids aériens dirigés par les États-Unis, dont les troupes toujours plus nombreuses, un millier de soldats, participent à des opérations contre les forces de l’EI dans le nord du pays au côté des Forces démocratiques syriennes dominées par la branche armée du PYD kurde, le YPG. Quelques jours plus tôt, le 16 mars, plus d’une quarantaine de civils ont été tués, y compris des enfants, et plus d’une centaine ont été blessés dans le village d’Al Jina près d’Alep, à la suite d’un raid aérien américain qui avait frappé la mosquée Omar ibn al-Khattab dans lequel les habitants s’étaient réunis pour la prière du soir.
Contre le fondamentalisme et les interventions impérialistes, soutien aux peuples !
L’ONG Airwars, qui comptabilise les victimes civiles causées par les attaques aériennes au Moyen-Orient, indique que la campagne aérienne contre l’EI a jusqu’à présent tué au moins 2 590 civils en Irak et en Syrie depuis 2014. Entre le 1er janvier et le 15 mars 2017, Airwars a déjà signalé 245 frappes aériennes de la coalition menée par les États-Unis touchant des civils, une moyenne d’environ trois cas par jour. Auparavant, en 2015, l’ONG avait comptabilisé 261 cas et en 2016, ce chiffre était passé à 454.
L’intensité des bombardements depuis le début de l’année 2017, notamment autour de Raqqa et de Mossoul, est sans précédent selon l’organisation. Dans la « guerre contre le terrorisme », le nouveau président Trump s’avère encore plus radical que son prédécesseur Obama, qui n’était déjà pas regardant sur les dommages collatéraux et pertes civiles dans les opérations extérieures de ses troupes. Fin janvier, Trump a par exemple demandé à l’armée américaine d’établir un nouveau plan militaire, dans lequel il appelait à des « changements sur toutes les règles d’engagement des États-Unis et autres restrictions politiques américaines qui dépassent les exigences du droit international concernant l’usage de la force contre l’EI »...
Le mépris pour les victimes civiles et autres dommages causés dans cette « guerre contre le terrorisme » est patent et nourrit le discours des organisations fondamentalistes religieuses tel que Daesh ou al-Qaïda. Tout en nous opposant radicalement à ces dernières, il faut condamner clairement les interventions militaires occidentales et autres dans la région, comme celle de la Russie en Syrie : celles-ci s’inscrivent dans des logiques impérialistes et de maintien de systèmes politiques autoritaires et injustes, et qui s’opposent à l’autodétermination des peuples de la région et à leurs luttes pour leur libération.
Joseph Daher