Depuis deux ans, les luttes ouvrières se multiplient en Iran. Alors que la maigre ouverture économique qui avait suivi l’accord sur le nucléaire n’avait que peu profité aux travailleurEs, ce sont eux qui paient le prix fort du retour des sanctions imposées par Trump. Des enseignants contre le manque de moyens dans les écoles aux ouvriers confrontés aux salaires impayés, nombreux sont ceux qui ont bravé les interdictions de manifester et de faire grève.
Encore fin août, plus d’un millier d’ouvriers de la compagnie de production d’équipements lourds (HEPCO) ont défilé à Arak, à 300 kilomètres au sud de Téhéran, contre les salaires impayés et le manque d’investissements dans l’entreprise. Des secteurs entiers de l’usine sont à l’abandon et la production a chuté drastiquement.
Des luttes contre les grands patrons inutiles
La plupart des ouvriers qui se sont mis en grève ces dernières années sont confrontés aux mêmes difficultés : leur entreprise a été privatisée et offerte pour une bouchée de pain à des proches du régime, qui payent les salaires au petit bonheur la chance et empochent les aides publiques et les bénéfices sans investir un sou dans la production.
C’est contre cette incurie que les ouvriers du complexe sucrier de Haft Tappeh, dans l’ouest de l’Iran, se mobilisent depuis fin 2017. Ils se sont mis en grève à plusieurs reprises, notamment en novembre et décembre 2018. Leur revendication du paiement des arriérés de salaires s’est rapidement étendue à la renationalisation sous contrôle ouvrier. Les grévistes ont élu un conseil ouvrier, prêt à exercer ce contrôle, qui pour le moment organise la lutte. Si ce conseil ouvrier est parvenu à rester clandestin pendant plusieurs mois, les grévistes manifestant à visage couvert, les dirigeants font désormais face à la répression, comme tous les militantEs et ouvrierEs qui relèvent la tête contre le régime et ses capitalistes.
La répression contre les militantEs ouvriers et leurs soutiens
Pendant que le régime islamique joue les gros bras face à Trump et à l’Arabie saoudite, il s’en prend surtout et avant tout au mouvement ouvrier. Ainsi, le 10 septembre, deux dirigeants ouvriers de Haft Tappeh ont été condamnés, l’un à 6 ans de prison et l’autre, Esmail Bakhshi, à 14 ans. Ce dernier, comme d’autres grévistes, avait déjà eu à subir les arrestations arbitraires et la torture. Une journaliste qui a soutenu la grève, et quatre autres journalistes qui cherchent à populariser les luttes ouvrières, ont également été condamnés à 18 ans de prison.
En août, deux syndicalistes, Marzieh Amiri et Atefeh Rangriz, interpellées dans la manifestation du 1er Mai violemment dispersée par la police, ont également été condamnées, l’une à 10 ans et demi de prison et 144 coups de fouet, et l’autre à 11 ans et demi de prison et 74 coups de fouet. D’autres militantEs attendent encore leur procès en détention. Les chefs d’inculpation ? « Rassemblement et collusion contre la sécurité nationale », « action contre la sécurité nationale par la propagande », « perturbation de l’ordre public en participant à des rassemblements illégaux ». Autant de mouvements témoignant d’une certaine remontée des luttes ouvrières en Iran, et de militantEs auxquels nous devons apporter notre soutien, notamment en faisant connaître le plus largement possible leurs combats.
Maurice Spirz