Publié le Mercredi 13 janvier 2016 à 09h06.

Iran et Arabie saoudite : Un conflit entre forces de la contre-révolution

Les tensions politiques entre la République islamique d’Iran (RII) et l’Arabie Saoudite n’ont cessé d’augmenter à la suite de l’exécution le 2 janvier par le régime saoudien de l’opposant Cheikh Nimr. 

Celle-ci a entraîné des manifestations en Iran, où l’ambassade saoudienne à Téhéran et son consulat à Machhad ont été pris d’assaut et brûlés, ainsi que dans plusieurs autres pays de la région. L’Arabie Saoudite a coupé ses relations diplomatiques avec l’Iran, et cette décision a été suivie par le Bahreïn, le Soudan et Djibouti. Le 7 janvier, les dirigeants de la RII ont accusé l’aviation saoudienne d’avoir bombardé son ambassade au Yémen, et ont interdit l’entrée de tous les produits saoudiens en réaction.

De la division aux discriminations

Les tensions confessionnelles entre sunnites et chiites, de la Syrie au Yémen en passant par l’Irak et le Liban, vont encore être aggravées par ces événements. Il faut savoir que ces deux États n’ont cessé d’utiliser l’arme du confessionnalisme pour faire avancer leurs intérêts politiques.

Depuis la chute du shah et l’instauration de la RII en 1979 sous l’égide de Khomeini, les relations entre Téhéran et Riyad ont été sources de tensions dans la région et de montée du confessionnalisme. La RII et sa volonté d’exporter la « révolution islamique » en finançant certains groupes confessionnels chiites, ont provoqué une réaction de l’Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe. La RII, ses alliés et les populations chiites de la région en général, vont dès lors devenir progressivement l’ennemi principal et la cible de l’Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe, à la place des forces nationalistes et progressistes affaiblies au début des années 1980, en promouvant les mouvements islamiques fondamentalistes.

Dans le royaume saoudien, les discriminations sociales et politiques contre les minorités chiites, qui faisaient déjà l’objet d’un discours salafistes et wahabiste haineux, ont été renforcées et elles ont été la cible d’une propagande politique les stigmatisant comme éléments d’une « 5e colonne iranienne ».

De plus, cette situation est aggravée par l’utilisation politique des divisions sunnites-chiites afin de promouvoir les politiques du royaume saoudien au Bahreïn, en Syrie et au Yémen. Le 3 octobre 2015, des religieux saoudiens ont par exemple publié un communiqué en réponse à l’intervention militaire russe en Syrie appelant les « vrais croyants » à lutter contre le gouvernement « safavide » de la Syrie et de ses alliés, décrivant le conflit en Syrie comme une nouvelle croisade, avec les « hérétiques chiites » joignant leurs forces aux croisés russes.

Il faut savoir que la RII discrimine aussi, politiquement et socialement, ses populations arabes de confession sunnite, et que Téhéran a interdit toute construction de mosquée sunnite dans la capitale. Pour rappel, en 2011, les politiciens sunnites et les résidents de la capitale, Téhéran, ont été contraints par les services de sécurités de la RII à se joindre aux jours officiels de prière afin de démontrer leur loyauté au guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei...

L’arme du confessionnalisme

Ces deux pays ont soutenu des groupes extrémistes chiites et sunnites en Irak menant à une guerre civile entre 2006 et 2008, qui a également alimenté les tensions confessionnelles dans toute la région. L’invasion de l’Irak par les États-Unis et la Grande-Bretagne en 2003, a vu, après la chute du dictateur Saddam Hussein, le pays tomber dans l’orbite pro-iranienne par l’arrivée au pouvoir de groupes fondamentalistes islamiques chiites proches de la RII. Ces derniers ont été coupables au pouvoir discriminations politiques et socio-économiques contre les populations sunnites d’Irak, sans oublier les nombreuses exactions et crimes confessionnels commis par ces groupes.

Face aux soulèvements populaires qui ont secoué la région depuis l’hiver 2010-2011, ces mêmes acteurs ont encore fait usage du confessionnalisme pour justifier des interventions dans la région, soutenir des dictatures, ou bien discréditer des mouvements populaires en les présentant comme des complots soutenus par une puissance étrangère. En Syrie, chaque camp a également soutenu des forces confessionnelles et réactionnaires, toute en en promouvant un discours confessionnel.

L’arme du confessionnalisme est d’autant plus utilisée par ces deux pays pour détourner les populations locales des problèmes économiques et sociaux locaux toujours plus importants. Confrontée à la chute des cours du pétrole, l’Arabie Saoudite a adopté au début de l’année son budget 2016 avec un déficit prévu de près de 80 milliards d’euros et des mesures d’austérité incluant des augmentations de plus de 50 % du prix de l’essence. Ces mesures vont certainement appauvrir encore davantage les 25 % de la population de nationalité saoudienne vivant déjà sous le seuil de pauvreté. En Iran, l’inflation se situe aux alentours de 20 % (selon les chiffres officiels) et la carence de produits de première nécessité tels que les médicaments continuent, tandis que le taux de chômage est de l’ordre de 25 %, et 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

En conclusion, ces deux États et leurs alliés respectifs constituent des forces réactionnaires et destructrices dans la région auxquelles il faut s’opposer sans relâche.

Joseph Daher