Publié le Mercredi 1 juillet 2009 à 09h08.

Iran : la répression en marche 

Face aux manifestations, la République islamique s'est lancée dans une répression à grande échelle. 

Selon la Ligue iranienne de défense des droits de l'Homme, le régime iranien aurait procédé, en quinze jours, à plus de 2000 arrestations. De nombreux animateurs étudiants, des militants ouvriers reconnus ou encore des journalistes font partie des personnes incarcérées. Selon de nombreuses sources, les détenus font l'objet de séances de torture répétées. Plusieurs dignitaires haut placés du régime et des dirigeants des pasdarans demandent que les émeutiers soient condamnés à mort et exécutés, afin de « donner une leçon à celles et ceux qui voudraient remettre en cause l'ordre et la stabilité de la République islamique ». On dénombre plus de 200 morts, des centaines de blessés et de personnes portées disparues.

Pourtant, l'ampleur de la répression n'a pas étouffé l’expression des aspirations démocratiques de la jeunesse, des femmes et des travailleurs iraniens. La contestation s'adapte au contexte de répression, mais continue à faire feu de tout bois. Le pouvoir tente de contenir la mobilisation et d'empêcher tout rassemblement. Ainsi, les familles de manifestants tués ont les plus grandes difficultés à organiser les cérémonies d'enterrement.

A Téhéran, le dimanche 28 juin a été le cadre de nouvelles manifestations. Plus de 3000 manifestants se sont affrontés, plusieurs heures durant, aux bassidjis et aux pasdarans. Selon des témoignages, les forces de l'ordre n'ont pas hésité à poursuivre les manifestants jusque dans les logements dans lesquels ils avaient trouvé refuge. Plusieurs secteurs de la capitale ont été bouclés par les gardiens de la révolution, instaurant ainsi un véritable état de siège. Pour la première fois, les officiers supérieurs des pasdarans dirigeaient les opérations de manière visible. Chaque jour connaît son lot d’initiatives de rue. Le lundi 29, la population a tenté d’organiser une chaîne humaine traversant Téhéran, du Sud (quartiers populaires et pauvres) au Nord (quartiers aisées et riches).

Dans de nombreuses villes, la population tente de manifester et s'affronte régulièrement aux forces anti-émeutes, aux bassidjis et autres nervis du régime. Face au degré de violence imposé par le pouvoir, la population cherche d'autres voies afin d'éviter la confrontation directe. Les appels à la grève, y compris à la grève générale, sont nombreux, mais la répression et l’absence de structure syndicale indépendante freinent, pour l’instant, l’extension du mouvement.

La répression ne fait qu'accentuer la crise politique. L'appui apporté par le Guide, Ali Khamenei, à Ahmadinejad a pour paradoxe d'affaiblir le système politique. En déclarant que la réélection d’Ahmadinejad était un « miracle divin », Khamenei a fini d’achever l’idée selon laquelle le Guide serait le représentant du pouvoir divin. Khamenei a ouvert une crise sans précédent au sommet du régime et il est désormais en première ligne face aux manifestants. La République islamique, qui a perdu toute légitimité idéologique, ne tient plus que par la violence. Et, situation inédite, les différents clans ne sont pas en capacité de trouver un compromis.

Le peuple iranien n’a que faire des dirigeants « réformistes » qui cherchent à maintenir le cadre institutionnelle. La mobilisation actuelle n’est pas l’expression d’un soutien à Moussavi, mais bien la volonté du peuple d’en finir avec la République islamique dans son ensemble. La brèche est ouverte et ce ne sont pas les appels à l'unité et les dénonciations du complot étranger qui mettront un terme à cette crise. Si le peuple iranien rejette toute ingérence impérialiste, il n'est pas disposé non plus à accepter plus longtemps un pouvoir théocratique réactionnaire, brutal et corrompu. Plus que jamais, les forces démocratiques, anticapitalistes, anti-impérialistes et féministes doivent se trouver aux côtés du peuple iranien. 

Babak Kia