Après plus de 50 jours de manifestations, la mobilisation se poursuit en Iran, face à un régime déstabilisé qui renforce chaque jour ses mesures répressives.
Lors de sa mise en place en 1979, le régime islamique avait déclaré vouloir mettre fin à la domination du pays par les puissances occidentales. Il avait également proclamé être le pouvoir des pauvres et des déshérités. Mais, 43 ans plus tard :
– l’Iran est toujours économiquement dépendant du capital international, ainsi que de la politique de puissances étrangères comme les États-Unis, la Chine et la Russie ;
– les riches sont devenus de plus en plus riches, et principalement ceux associés au régime théocratique.
Pour tenter de réaffirmer son identité, le régime s’accroche névrotiquement à un autre de ses fondements : la domination des femmes par le biais notamment du durcissement des conditions du port du voile.
Une volonté de lutte qui ne se dément pas
L’affichage ostentatoire de leur richesse par les privilégiéEs exacerbe la rage de la jeunesse. Simultanément, l’aggravation de l’oppression des femmes débouche sur leur volonté d’en finir avec toutes les mesures misogynes et patriarcales.
Par ailleurs, la gravité de la crise économique s’accompagne depuis le printemps d’une montée des mobilisations sociales.
Tout cela explique pourquoi, depuis plus de 50 jours, les manifestations ne faiblissent pas. Au contraire, elles se radicalisent comme en témoigne l’omniprésence des mots d’ordre exigeant la fin de la théocratie et visant directement le Guide suprême, les milices paramilitaires et les Gardiens de la révolution (Pasdaran) dont elles dépendent.
Quelles hypothèses pour la suite ?
Un blocage du pays par les grèves permettrait seul d’en finir avec la Mollahrchie. Mais à cette étape, un mouvement gréviste dans les secteurs clés de l’économie se fait attendre. La faible structuration du mouvement ouvrier après des dizaines d’années de dictatures du Chah puis des mollahs, ainsi que l’emprisonnement de nombre de syndicalistes (depuis le mois de mai pour certains), explique en grande partie pourquoi la généralisation des grèves prendra du temps. Mais il ne faut pas oublier qu’il avait fallu deux ans de luttes pour renverser le Chah.
Pour la chercheure irano-britannique Yassamine Mather, « nous sommes encore loin de la chute du régime », même si « la République islamique d’Iran s’affronte aujourd’hui à un défi majeur, plus grave que jamais au cours des 44 dernières années »1.
Tout indique qu’aujourd’hui le pouvoir n’a aucune intention de faire des concessions. Il semble estimer que toute recherche d’éventuels compromis constituerait un aveu de faiblesse, ainsi qu’un encouragement aux mobilisations. Reculer sur le voile lui ferait par ailleurs perdre le soutien des courants les plus fondamentalistes du régime.
Dans de telles conditions, il faut s’attendre à un durcissement d’une répression qui a déjà causé au moins 273 mortEs, dont des enfants et une vingtaine d’adolescentEs, des milliers de blesséEs, et environ 14 000 arrestations.
Face à cela, la solidarité internationale avec la lutte de la population d’Iran est plus que jamais indispensable.
- 1. Yassamine Mather, « Quelque chose doit changer », en ligne sur alencontre.org.