Par son soutien sans faille à Mahmoud Ahmadinejad et ses menaces, le Guide suprême, Ali Khamenei, a ouvert les vannes de la répression. La République islamique est à un tournant majeur de son histoire.
Fini le temps où le régime contenait ses divisions. Depuis l’annonce de la réélection d’Ahmadinejad, la guerre larvée entre les différentes factions au pouvoir s’est transformée en guerre ouverte. Quatre candidats, issus du sérail, avaient été autorisés à concourir, mais le Guide suprême et le clan au pouvoir avaient désigné le vainqueur bien avant le premier tour. C’est le sens du soutien apporté par le Guide suprême, au cours de la campagne, à Ahmadinejad. Dès lors, dans un contexte d’instabilité sociale et de tensions fortes entre factions, il était impensable que le Guide soit désavoué par le peuple. De même, les immenses intérêts économiques et financiers aux mains de l’organisation militaire Pasdaran (lire encadré) et leur volonté de mettre la main sur les secteurs importants de l’économie, contrôlés par le clan de l’ancien président de la République Rafsandjani, interdisaient à Ahmadinejad et aux siens d’abandonner le pouvoir et ses privilèges.
Khamenei et Ahmadinejad réalisent donc un véritable coup d’Etat, destiné à évincer définitivement les factions dites réformatrices et pragmatiques. Les arrestations de responsables proches de Rafsandjani et de Mir Hossein Moussavi (candidat à l’élection) se multiplient, Moussavi lui-même étant menacé. La fracture au sein de la mollahrchie est donc profonde et traverse le corps des pasdarans, parmi lesquels, selon plusieurs sources, une vingtaine d’officiers de haut rang auraient été arrêtés. La candidature de Mohsen Rézaï, dirigeant historique des pasdarans, contre Ahmadinejad, lui-même ancien pasdarans, indiquait déjà les divisons qui traversent cette organisation militaire placée sous l’autorité directe du guide de la révolution.
C’est dans cette brèche que les aspirations démocratiques de la grande majorité de la population se sont engouffrées. Depuis le 13 juin, la contestation s’étend à tout le pays et, pour la première fois depuis 1979, toutes les couches sociales se retrouvent dans les manifestations. Bien loin de soutenir Moussavi, la population, par sa mobilisation, accentue les divisions au sein du sérail, affaiblit la dictature des mollahs et pousse celle-ci à l’implosion.
La répression sanglante, les arrestations, l’interdiction des journalistes et la coupure des réseaux téléphoniques et d’Internet n’ont pas empêché le développement du mouvement. Le discours menaçant de Khamenei et l’interdiction des manifestations n’ont pas entamé leur détermination. Les forces anti-émeutes, la police secrète, les bassidjis et les nervis à la solde d’Ahmadinejad ont tout fait pour empêcher la manifestation du samedi 20 juin. A Téhéran, les affrontements ont éclaté rapidement et le bilan est sanglant : des dizaines de morts, des centaines d’arrestations et de blessés. Depuis, les nervis du régime et les bassidjis quadrillent Téhéran, empêchant tout rassemblement d’envergure. Pour autant, pas un jour ne passe sans tentative de manifestation et la mobilisation prend d’autres formes.
La portée démocratique des manifestations ne fait aucun doute et la dynamique se propage désormais aux entreprises. Des grèves spontanées ont éclaté dans plusieurs entreprises, à Téhéran et Ispahan. Les ouvriers d’Iran Khodro (premier constructeur automobile du pays, employant 60000 salariés) ont engagé un mouvement de grève. Les chauffeurs des transports en commun de Téhéran, qui avaient mené, en 2005, une lutte courageuse pour la création d’un syndicat indépendant, appellent à la grève. La question décisive de la grève générale est posée, non pas par Moussavi, qui surfe sur la contestation, mais par les travailleurs iraniens eux-mêmes.
Nul ne peut dire qu’elle sera l’issue des mobilisations. Mais le soulèvement de la jeunesse, des femmes et des travailleurs iraniens ne doit pas rester isolé. En France, comme partout dans le monde, des appels et des initiatives en solidarité avec les manifestants se multiplient. Le mouvement ouvrier et démocratique doit être clairement aux côtés de ceux qui, en Iran, luttent contre la République islamique, pour la démocratie, l’égalité entre hommes et femmes et la justice sociale. Le NPA prend sa part dans la construction de la solidarité internationale.