À la fin du sommet de l’Union européenne à Bruxelles, le Premier ministre Renzi a déclaré « L’Europe accepte la redistribution de 40 000 hommes et femmes arrivés sur nos côtes et sur les côtes grecques »...
C’était bien leur problème : comment redistribuer au sein de l’Union européenne 40 000 migrants débarqués en Italie et en Grèce ayant tous droit à la protection internationale. À Bruxelles, aucun quota obligatoire aux pays de l’Union n’a été imposé, un bloc de l’Est (Pologne, Slovaquie, Lettonie et Bulgarie) s’y est opposé, provoquant la colère de Renzi.
Des structures d’accueil sordides
Renzi voudrait se débarrasser du plus grand nombre possible de migrants parce que le système d’accueil italien est désormais sur le point de s’effondrer. Des structures sordides gérées pour empocher de grosses sommes d’argent sur la peau de ceux qui s’enfuient des ruines semées par l’Occident dans les pays d’Asie et d’Afrique. C’est aussi de cela dont parle une enquête nommée Mafia Capitale, qui est en train de secouer la municipalité de Rome, mais qui concerne tout le système italien. Celle-ci a mis à nu une joint-venture entre clans mafieux, milieux fascistes et coopératives liées au PD et à des organisations catholiques réactionnaires telles que Comunione e Liberazione.
Les dernières données de l’UNHCR, l’agence de l’ONU pour les réfugiés, ont révélé que le nombre de migrants arrivés par voie maritime depuis le début de l’année est de 62 000 en Italie et de 63 000 en Grèce.
Généralement aligné sur les positions du PD, les associations italiennes n’arrivent pas à cacher leur déception, leur désillusion, pour cette souris dont a accouché la montagne. Et on continue à débattre de chiffres ridicules qui en fait ne tiennent nullement compte des dimensions réelles du phénomène. Ainsi le seul Liban, dont la surface correspond à la moitié de celle de la Lombardie, abrite actuellement plus d’un million de réfugiéEs. Et rien que pour les SyrienEs, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés a demandé l’accueil de 130 000 personnes.
Triage gouvernemental
L’an dernier, l’Italie a vu débarquer 170 000 personnes dont 100 000 ont choisi de ne pas demander l’asile en Italie et de continuer leur route vers l’Europe du Nord. Ce sont celles et ceux que l’on appelle des « transitants », mais le Règlement de Dublin, qui stipule que l’asile doit être demandé au premier pays européen où l’on entre, non seulement n’a pas été amélioré, mais tout laisse entendre qu’il sera même appliqué avec toujours plus de rigidité. Et sur la base des chiffres du premier semestre 2015, l’Italie se retrouverait à devoir traiter rapidement plus du double de demandes qu’aujourd’hui. Et la mauvaise qualité de l’accueil ne fait qu’alimenter racisme, gaspillages et corruption.
Le gouvernement a inventé une sorte d’accueil « différencié », essayant de trier de façon tout à fait arbitraire les personnes qui méritent d’être accueillies et celles qui ne le méritent pas, placées dans les régions du Nord ou dans celles du Sud : au Nord les « bons » (les réfugiés), au Sud les « mauvais » (migrants économiques ou irréguliers) à « renvoyer à l’expéditeur »...
Les gares des villes les plus importantes sont devenues des dortoirs pour les « transitants », et dans les quartiers où se trouvent des centres dit d’accueil ou des camps nomades (condamnés par les tribunaux italiens et internationaux) se déchaîne la réaction, les résidents appuyés par des fascistes et membres de la Lega (la Ligue du Nord).
Repenser radicalement les politiques migratoires
Une telle situation, un tel traitement, va continuer à pousser des personnes désespérées dans les bras des trafiquants tant que l’on n’offrira pas d’alternatives légales et sûres aux traversées dangereuses sur des embarcations précaires.
En l’absence d’une présence importante de la gauche radicale, avec la défaillance des syndicats, le paysage politique italien est incapable de repenser radicalement les politiques migratoires afin que les besoins des personnes concernées soient mises au centre des efforts pour affronter cette crise. L’Italie s’est alignée sur une vision générale de l’Europe de la bourgeoisie, « sécuritaire » dans sa gestion de l’urgence migratoire.
De Rome, Checchino Antonino