La grève de l’usine de chaussures Yue Yuen de Dongguan dans le sud-est de la Chine (qui fabrique pour Nike, Adidas, etc.) a concerné plus de 30 000 ouvrières et ouvriers (les femmes y sont majoritaires). Commencée les 13 et 14 avril, c’est le plus important mouvement intervenu en Chine depuis longtemps. Sa raison essentielle ? La firme ne s’acquitte pas des cotisations sociales pour la retraite et pour le fonds d’acquisition d’un logement : les retraites des ouvrierEs seront donc misérables. S’y est ajouté l’exigence d’un réajustement salarial.
Après trois jours de grève, la direction a cédé sur une prime salariale et a annoncé qu’elle paierait désormais les cotisations sociales. Les grévistes ont refusé de reprendre le travail car ils craignent que les cotisations non versées dans le passé le restent. La répression policière s’est déchaînée, des militants arrêtés, et la police a « visité » les logements des grévistes. Lundi 28 avril, après deux semaines de lutte, des milliers de travailleurEs (les quatre cinquièmes de l’effectif de l’usine selon certaines informations) ont cessé la grève.
Les travailleurs et travailleuses se sont donc heurtés au Parti-État au service de leur employeur privé. Mais la grève de Yue Yuen est loin d’être la seule. Un important mouvement a eu lieu, par exemple, en avril dans les transports publics de Shenzen. À travers ces actions, se dégage progressivement une nouvelle génération militante, telle cette jeune conductrice de bus de 19 ans interviewée après que, le matin du 21 avril, elle a été tirée de son dortoir par les cadres de la compagnie de bus et forcée de reprendre le travail : « La grève est finie pour l’instant, aucune de nos revendications n’a été satisfaite mais la colère est toujours en train de bouillir ».
En août 2011, un économiste phare du camp altermondialiste, Frédéric Lordon, écrivait que salariés français et chinois étaient placés dans un « rapport d’antagonisme » et qu’« en appeler à la solidarité de classe franco-chinoise procédait d’un universalisme abstrait ignorant des données structurelles concrètes ». C’est Lordon qui ignore les « données structurelles concrètes » qui font que les luttes des travailleurs sont en train de changer la Chine. Pour reprendre un titre des Échos du 22 avril, « la fin du modèle low cost » s’annonce. Notre internationalisme n’est pas une lubie : il s’appuie sur des faits et une nécessité objective. Vive la lutte des travailleurs chinois !
Henri Wilno