Publié le Mercredi 8 janvier 2020 à 10h44.

« La position des socialistes étatsuniens face à la dernière attaque américaine contre l’Iran »

Dan La Botz est militant de Solidarity, organisation socialiste internationaliste étatsunienne. Il participe également à DSA (Democratic Socialists of America). Cet article a été publié le 4 janvier sur le site New Politics

Le président Donald Trump a pratiquement déclaré la guerre à l’Iran avec l’assassinat du major-général Qassim Soleimani, chef de l’unité d’élite iranienne, la force Al-Qods, lors d’une frappe aérienne près de l’aéroport international de Bagdad. L’assassinat de Soleimani conduira très probablement à la guerre, bien que nous sachions pas comment une telle guerre se développera et quelle forme elle prendra. Comment les socialistes américains déterminent-ils leur position face à cette nouvelle situation ?

Contre l’impérialisme américain

Premièrement, nous nous opposons à cette attaque du gouvernement américain contre l’Iran, la plus récente d’une série de mesures diplomatiques, économiques et militaires contre le gouvernement iranien. Les mesures économiques ont touché l’ensemble de la population iranienne. En mai 2018, Trump a retiré les États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, puis en juin et ensuite en septembre 2019, il a annoncé de nouvelles sanctions économiques contre l’Iran. Tous ces éléments préparaient la nouvelle attaque sous la forme de l’assassinat de Soleimani. Maintenant, l’administration Trump envoie 3 000 soldats supplémentaires au Moyen-Orient. Nous, socialistes, devons nous opposer aux pressions diplomatiques, économiques et militaires américaines ou aux attaques contre l’Iran.

Trump a créé une présidence impériale et a agi de manière autoritaire et totalement anti­démocratique en conduisant les États-Unis vers la guerre. En menant l’attaque contre l’Iran, Trump n’a pas demandé au Congrès un nouveau projet de loi sur les pouvoirs de guerre, ni invoqué les anciennes lois sur les pouvoirs de guerre, désormais dépassées, ni même consulté les dirigeants du Congrès. Selon la Constitution américaine, seul le Congrès peut déclarer la guerre, bien que les élus aient depuis la Seconde Guerre mondiale refusé de prendre la responsabilité de déclarer ou de refuser de déclarer la guerre.

Les guerres dépendent en fin de compte du budget militaire. Celui-ci, en juillet dernier, a été adopté par le Sénat (par 67 voix contre 28) et la Chambre des représentants (par 284 contre 149) : c’est-à-dire que les républicains et les démocrates ont voté pour financer les armes et la guerre. À son crédit, le candidat à la présidentielle Bernie Sanders a voté contre ou n’a pas voté pour les derniers budgets militaires en n’étant pas présent.

Pendant des décennies, Washington a cherché à maintenir sa domination au Moyen-Orient, en particulier sur ses immenses ressources pétrolières. Cela a signifié l’invasion de l’Irak, le renforcement des régimes dictatoriaux, l’imposition de sanctions meurtrières et la fourniture d’un soutien diplomatique et d’armes pour permettre à l’Arabie saoudite de mener sa guerre brutale au Yémen, et à Israël de mener de multiples attaques meurtrières contre Gaza. Tout en essayant de maintenir un ordre réactionnaire, l’intervention américaine a fait des ravages dans la région et sur ses habitantEs. Nous nous opposons à l’impérialisme américain sous toutes ses formes économiques et politiques.

Les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), dont je suis membre, ont fait une excellente déclaration dénonçant l’attaque des États-Unis contre l’Iran et, ici à New York où je vis, a été organisée une manifestation contre une guerre contre l’Iran devant le domicile du sénateur démocrate Charles Schumer, exigeant qu’il s’oppose lui aussi à l’attaque. Nous devons exiger que lui et tous les Démocrates prennent directement position contre une guerre contre l’Iran, et pas simplement pour des raisons de procédure. Nous exigeons que chaque Démocrate prenne position contre la guerre en Iran et que ceux qui ne le font pas ne reçoivent aucun soutien politique futur.

Aucun soutien politique au gouvernement iranien

Notre opposition à l’attaque américaine contre l’Iran n’implique aucun soutien politique au gouvernement théocratique autoritaire de droite iranien. En Iran, nous sommes du côté du mouvement pour la démocratie, pour le pluralisme politique, pour les droits civils, pour la liberté, et au sein de ce mouvement démocratique, nous sommes au côté de la classe ouvrière et des forces socialistes. Comme l’écrit l’Alliance des socialistes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord : « En Iran, le Corps des gardiens de la révolution islamique et d’autres forces gouvernementales ont brutalement réprimé les manifestations populaires à l’échelle nationale qui ont éclaté le 15 novembre en opposition à une hausse du prix du pétrole et ont appelé au renversement de la République islamique et à la fin de ses interventions militaires dans la région. Selon Reuters, au moins 1 500 manifestants ont été tués en quatre jours. Entre 8 000 et 10 000 manifestants, des jeunes pour beaucoup, ont été arrêtés et nous n’avons pas de nouvelles de la plupart d’entre eux. De nombreux prisonniers politiques, dont des militants ouvriers, des féministes et des membres des minorités opprimées, croupissent en prison suite aux manifestations précédentes. Ce sont eux et les manifestants révolutionnaires en Irak, au Liban, au Soudan et en Algérie que les socialistes du monde entier doivent soutenir ».

Nous nous opposons à l’impérialisme américain, mais nous soutenons également les forces démocratiques en Iran, sachant qu’à court terme l’attaque de Trump contre leur gouvernement rendra leur tâche plus difficile, mais qu’à long terme la guerre pourrait miner la crédibilité et le soutien du gouvernement iranien. En tant que socialistes, nous soutiendrions certainement une révolution politique ou démocratique en Iran, et nous nous opposerions à toute intervention américaine dans une telle situation.

Contre les États-Unis et toutes les autres puissances impérialistes

Dans le même temps, en tant que socialistes internationalistes, alors que nous nous oppossons en priorité au rôle des États-Unis au Moyen-Orient, nous rejetons également l’intervention d’autres puissances dans la région. Nous nous opposons au dirigeant autoritaire russe Vladimir Poutine et à son aide au dictateur syrien Bachar el-Assad en bombardant la province d’Idlib, dernier refuge de l’opposition syrienne, ce qui détruit des écoles et  tue des civils, hommes, femmes et enfants. Nous devons nous opposer au rôle de l’Arabie saoudite dans les terribles destructions et massacres d’êtres humains au Yémen, ainsi qu’à la décision turque d’envoyer des troupes en Libye.

Tout en combattant l’attaque américaine contre l’Iran, nous devons également nous opposer aux exercices navals irano-russo-chinois dans l’océan Indien et le golfe d’Oman. La Russie et la Chine ont toutes deux démontré leurs ambitions impériales, la Russie en s’emparant de la Crimée et la Chine en annexant le Tibet et en cherchant à effacer la culture du Tibet et des Ouïghours, tout en construisant de nouvelles îles et bases navales dans la mer de Chine méridionale pour intimider les États voisins.

Dans toutes ces situations, nous, socialistes, nous opposons aux grandes puissances impériales comme les États-Unis, l’Allemagne, la France, la Russie et la Chine, et nous nous opposons également aux puissances impériales régionales telles que l’Arabie saoudite et la Turquie. Et nous défendons l’autodétermination pour toutes les nations et tous les peuples du Moyen-Orient, tels que les Yéménites et les Kurdes. Nous nous plaçons du côté des démocrates et, là où ils existent, du côté des mouvements socialistes en Irak, en Iran, en Arabie saoudite et en Turquie. Partout, nous nous tenons au côté des travailleurEs contre les tyrans.

Dan La Botz, traduction Henri Wilno