Depuis plusieurs années, l’Iran est secoué par des mouvements de grèves sans précédent. Suite à l’accord de 2015 sur le nucléaire, la société iranienne était dans l’attente « des jours meilleurs » promis par le gouvernement « modéré » de Rouhani. Mais en réalité, rien ou presque n’a changé.
Face à cette situation, les mouvements de protestations se sont multipliés, allant des enseignantEs et infirmières aux travailleurEs de la pétrochimie, des retraités aux chômeurs. Les enseignants ont été à plusieurs reprises à la pointe de manifestations organisées simultanément dans des dizaines de villes.
Répression massive
La réponse du régime islamique a été de plus en plus violente. Les prisons iraniennes sont remplies de militantEs ouvriers. Les syndicats iraniens sont en effet soumis à une répression sophistiquée, et la solidarité internationale du mouvement ouvrier est plus que jamais nécessaire, notamment pour obtenir la libération des militantEs et empêcher qu’ils ne meurent en prison comme cela risque d’être la cas pour Reza Shahabi du syndicat VAHED.
Dans ces combats inégaux, l’absence d’une organisation syndicale unifiant tous ces mouvements de protestations se fait de plus en plus sentir.
Les structures syndicales restent éparpillées, et peu organisées en raison du refus du gouvernement de leur permettre d’avoir un siège et de tenir des assemblés générales.
Aujourd’hui, le seul syndicat officiellement toléré est celui des enseignantEs. Cela n’empêche pas que leurs membres sont jetés en prison, comme Rassoul Bodaghi ou Beheshti Langardoodi.
Un syndicalisme combatif mais réduit
En octobre 2008, 3 000 à 4 000 travailleurEs de la sucrerie Haft-Tappeh ont réussi à organiser une assemblée générale. Ils et elles ont élu 9 militantEs pour représenter le syndicat. C’était la première fois depuis plus de quatre décennies que des milliers de travailleurEs participaient librement et avec enthousiasme à une élection pour choisir leurs propres représentantEs dans cette branche d’industrie. La même chose a eu lieu concernant le Syndicat des transports en commun de la région de Téhéran (VAHED). Très rapidement, la foudre de la répression est tombée sur ces deux syndicats.
Néanmoins, leurs responsables continuent à s’exprimer au nom du syndicat et à organiser des luttes au nom des salariéEs qui les ont élus, lors la seule assemblée générale qui a pu avoir lieu.
Ce sont ces luttes qui font perdurer le syndicat et lui font gagner le respect et la confiance des travailleurEs du secteur concerné. Ceux-ci font appel à eux pour les représenter lors des conflits.
D’autres syndicats plus petits existent, dont :
– le Syndicat libre des travailleurs ;
– les deux Comités de soutien à l’établissement d’organisations ouvrières libres (qui ont des structures dans quelques villes de province) ;
– le Comité de défense des droits des travailleurs ;
– le Syndicat des boulangers de Saqez ;
– le Syndicat des peintres d’Alborz ;
– l’Association des électriciens de Kermanshah.
Une nouvelle phase
Toutes ces associations et/ou syndicats ont soutenu le mouvement de protestation en cours. Chacun à sa manière et parfois tardivement, mais le fait est là : ils ont soutenu les revendications de cette révolte en invitant, de façon implicite afin de rester dans la « semi-légalité », leurs sympathisantEs à y participer.
On ne connaît pas encore la réaction du pouvoir face à cette prise de position du mouvement ouvrier. La foudre de la répression est pour l’instant concentrée sur les étudiantEs : plus de 200 d’entre eux ont été arrêtés.
Comme on peut l’imaginer, le sort de la gauche radicale iranienne n’est pas meilleur. La répression sanglante de la décennie 1980 (plus de 30 000 morts) et l’exil forcé de nombreux survivants, n’ont pas pu être encore compensés par les nouvelles organisations politiques.
La grande majorité des courants de la gauche radicale iranienne ont des membres et/ou des sympathisantEs sur place. Mais à part le Kurdistan, où son implantation est solide et importante, la gauche radicale n’est pas organisée dans des cellules et des réseaux établis.
Mais les militantEs sont néanmoins actifs et ont participé aux manifestations. Ils ont notamment amené avec eux les même revendications qu’il y a 40 ans : « Pain, Travail, Logement et Liberté ! » Ces slogans ont été scandés partout, à côté des « À bas les mullahs ! », « Mort à Khaménei ! », et surtout « À bas le régime islamique » ! À l’exception d’un courant maoïste, l’ensemble de la gauche radicale condamne l’intervention militaire de l’Iran en Syrie.
Cela faisait 20 ans qu’on n’avait pas entendu cela dans un mouvement populaire. Il n’y avait par contre aucun slogan ou mot d’ordre islamique. La gauche et le mouvement syndical entrent dans une nouvelle phase de leur lutte.
Behrooz Farahany