Publié le Jeudi 12 novembre 2009 à 15h38.

Le piège afghan

Malgré sa réélection, Karzaï est affaibli. Les USA et leurs alliés sont entraînés dans le scandale de la fraude et de la corruption.Karzaï vient d’être proclamé président d’Afghanistan suite à l’annulation du deuxième tour de l’élection présidentielle, après le retrait de son seul rival Abdullah Abdullah qui n’avait reçu aucune garantie contre une nouvelle fraude massive. Le roi est nu, sans crédibilité ni légitimité, champion de la fraude et de la corruption. Mascarade qui ridiculise les prétentions démocratiques des USA et de leurs alliés. Karzaï avait bien tenté de se faire proclamer élu dès le premier tour grâce à une fraude massive connue de tous.

Devant le risque de voir leur mise en scène électorale totalement discréditée, les USA l’ont obligé à accepter un deuxième tour, qui est devenu le deuxième acte de la farce électorale organisée pour le compte des armées d’occupation par leur fantoche même. Fantoche qui a pris ses commanditaires à leur propre jeu pour s’imposer en créant une situation de crise qui ruine les prétentions de la nouvelle stratégie Obama.

À peine Karzaï désigné, on apprenait que son frère, déjà impliqué dans le trafic d’opium dans le sud du pays, était payé par la CIA depuis des années. En fait, ce que les chefs de l’Otan appellent « l’Afghanisation » de la guerre, c’est la corruption généralisée. L’argent déversé dans le pays sert par mille et un canaux à alimenter la corruption sous toutes ses formes, pour acheter les services des seigneurs de guerre dont les troupes d’occupation ont besoin, pour acheter les combattants ou talibans « repentis », etc. Et aujourd’hui Obama se paie le ridicule de demander à sa marionnette d’agir « bien plus sérieusement » contre la corruption alors qu’il sait très bien que sa politique même en est à l’origine à tous les niveaux de l’État, avec Karzaï en principal organisateur et bénéficiaire. C’est au nom de cette politique cynique qu’Obama et ses alliés demandent aux soldats américains, anglais, allemands, français… de sacrifier leur vie. Le nombre de soldats tués ne cesse d’augmenter : 56 Américains au cours du mois d’octobre, le mois le plus meurtrier pour les États-Unis depuis le début de la guerre, il y a huit ans. Brown, le Premier ministre britannique, s’indigne et en rajoute. Il déclare qu’il n’est pas question de risquer la vie de ses hommes pour un gouvernement, « qui ne se dresse pas contre la corruption. » Mais il ne lui vient pas à l’idée de retirer les troupes alors que l’opposition à la guerre s’amplifie en Grande-Bretagne.Les grandes puissances sont prises à leur propre piège. Leur politique est un échec qui ne leur laisse pas de porte de sortie. Le chef des troupes de l’Otan, Stanley McChrystal, réclame l’envoi de nouveaux renforts, entre 10 000 et 40 000 hommes. Le secrétaire général de l’Otan, Rasmussen, exhorte les Européens à faire plus. Obama hésite, consulte, diffère sa décision, mais il ne pourra, d’une façon ou d’une autre, que se plier aux exigences des militaires, la fuite en avant, au risque d’entraîner toute la région, dont le Pakistan, dans la guerre et une crise aiguë.Yvan Lemaitre