Publié le Mercredi 25 mars 2020 à 12h57.

Le Portugal suspend le droit de grève

Le Portugal est le seul pays à suspendre le droit de grève en instaurant l’état d’urgence.Cela n’a pas été le cas en Inde avec le fasciste Modi. L’Italie, confrontée à la pire des situations, ne l’a pas fait. En Italie, les grèves n’ont été suspendues que dans les secteurs essentiels liés à la lutte contre le virus. Aux États-Unis, rien de tel. En Espagne, seul le droit de réunion a été limité, pas de celui de grève. Soit dit en passant, en Italie, c’est la menace d’une grève générale, des « fixes » et des précaires, qui a conduit le gouvernement à approuver l’interdiction des licenciements pendant la pandémie. En France, le droit de grève est garanti, bien que l’état d’urgence ait été décrété, ainsi que le confinement.

L’histoire ne pardonnera pas

Le décret approuvé au Portugal est une erreur historique sans précédent, la plus grande erreur commise depuis le 25 avril 1974. L’histoire ne pardonnera pas. Au Portugal, l’état d’exception a été approuvé pour permettre effectivement des licenciements sans résistance. L’encre [du décret] n’était pas encore sèche que Groundforce1 en a profité et a annoncé le licenciement de plus de 500 travailleurs et la réduction des salaires de 500 autres – qui ne pourront faire grève. Sont venus ensuite la TAP [Air Portugal], les restaurants, les hôtels, les services… C’est ainsi que nous « sortirons de la crise », en condamnant des millions de personnes à avoir faim pour maintenir les primes et les dividendes d’une demi-douzaine d’actionnaires.Il n’est pas venu à l’esprit du gouvernement portugais de limiter – avec le décret d’urgence – le droit à la rémunération des actionnaires, en nationalisant les bénéfices de ces entreprises, ou du moins les dividendes récents, pour garantir des salaires à des millions de travailleurs et à leurs familles. On a assisté – dans l’enthousiasme des médias – à la fin du droit de grève, soit la suppression du droit démocratique de ceux qui travaillent à se battre pour leur travail, qui est le droit à leur vie et à celle de leurs enfants. Oui, la démocratie a été suspendue, et cela a été le fait du Parti socialiste. Avec le soutien enthousiaste de la droite, du bonhomme d’extrême droite2, celui qui aimait tant les travailleurs, et – qui l’aurait dit ? – un vote favorable du Bloc de gauche et l’abstention du PCP, qui sont ainsi confrontés à une crise morale et éthique sans précédent.

Le gouvernement a choisi sa classe

Aujourd’hui la TAP, demain tout le monde. Ceux qui vivent de leur travail ne sont pas mis en quarantaine, et ne peuvent plus se battre avec d’autres pour leurs conditions de vie. Ces derniers – les plus pauvres, les plus fragiles, les plus précaires, sans protection – n’ont pas été invités à rester seuls chez eux. Ils ont été tenus, décret militaire oblige, d’abdiquer leur avenir. Dans ce domaine, contrairement à la pandémie, on ne peut pas dire que nous sommes tous dans le même bateau. Si le virus ne choisit pas les classes sociales, la crise économique indique clairement qui sera laissé pour compte. Et le gouvernement a déjà fait savoir de quel côté il est.Je rappelle seulement, pour conclure, que ces travailleurs, dans les ports, les aéroports, à Auto Europa, ont fait des grèves et des arrêts de travail spontanés, demandant d’arrêter la production et d’utiliser du matériel de protection dans les cas où ils représentent des secteurs d’approvisionnement (port et aéroport). En d’autres termes, les grèves avant l’état d’urgence ont contribué à contenir et non à propager la contagion. C’est la peur de voir les travailleurs exiger, comme à Auto Europa, de rester chez eux, qui a amené le gouvernement à approuver ce décret, avec cette spécificité, anti-démocratique, unique en Europe.

Traduit du portugais par Luiza Toscane

Original sur https://raquelcardeiravarela.wordpress.com/2020/03/19/portugal-e-o-unico-que-suspende-o-direito-a-greve/

  • 1. Groundforce Portugal est une filiale de TAP Air Portugal, offrant des services d’assistance lors des escales au Portugal (ndt).
  • 2. Allusion à René Ventura, président du parti d’extrême droite Chega (ndt).