Publié le Mercredi 22 février 2012 à 14h27.

Le procès de la spéculation en Corse

Le 15 février, un rassemblement de soutien avait lieu devant le tribunal de grande instance (TGI) de Toulon, auquel ont participé une douzaine de militantEs NPA du Var (dont Alain Krivine), le PS, LO, La Valette Écologie et quelques Corses vivant en France. Anna Laura Cristofari, porte-parole du Collectif de Calvi contre la spéculation et pour le droit au logement, comparaissait pour propos diffamatoires par la sénatrice-maire UMP Christiane Hummel de La Valette et la société d’économie mixte Semexval dont elle est PDG (voir Tout est à nous ! n° 99 et 132).  Au même moment une quarantaine de personnes se rassemblaient en Corse en signe de solidarité devant la sous-préfecture de Calvi. Corsica libera, parti nationaliste corse, à apporté son soutien à Anna Laura par voie de communiqué.

D’entrée de jeu, Me Pozzi-Pasquier considère qu’il s’agit pour les demandeurs de pénaliser le débat public. Il soulève plusieurs points de droit qui sont selon lui autant d’exceptions de nullité rendant impossible tout jugement sur le fond, par exemple que les statuts de la Semexval n’autorisaient pas Mme Hummel en tant qu’élue à agir au nom de l’entreprise. Ces points de procédure seront joints au fond, le président du tribunal voulant que les arguments sur le fond soient débattus afin de ne pas allonger les délais du jugement.

L’avocat des demandeurs parle « d’insinuation » diffamatoire sanctionnée par la loi sur la presse, de manque de faits objectifs. Bref, Anna Laura aurait « manqué de prudence » en laissant entendre que Mme Hummel pouvait être liée à la mafia sicilienne. Alors que l’expression « politico-maffieux » portait sur le contexte général en Corse et que les pratiques en question ne sont pas l’apanage de Cosa Nostra, loin s’en faut. Anna Laura, en tant que porte-parole d’A Manca, mène depuis longtemps la charge contre les dérives liées à une politique néolibérale en Corse basée sur le tout-tourisme et le BTP, elle sait de quoi elle parle quand elle s’attaque à la spéculation immobilière.

C’est donc en connaissance de cause que Me Prosperi, avocate nationaliste du barreau de Bastia, a développé de son côté une défense très politique et très argumentée sur la situation concrète dans l’île et a évoqué des faits où l’opacité règne en maître sur les opérations immobilières en Corse. Elle souligne combien le peuple corse lutte pour sa survie et que « les nouveaux envahisseurs » sont ceux « qui sont en quête de profits colossaux » sur le dos du peuple corse. Et cela passe par la remise en cause de plus en plus fréquente de la loi de protection du littoral pour le développement d’un tourisme de luxe, alors que les gens aux moyens financiers insuffisants ne peuvent pas se loger à des prix corrects. Elle argumente ensuite sur la procédure de la convention de développement passée avec la filiale de la Semexval, la vente de terrains dont les surfaces augmentent sans nouvelle enquête publique et dont les prix très avantageux seraient pour le moins sujets à caution. Opacité avérée donc.

On verra bien si les spéculateurs peuvent à loisir instrumentaliser la justice pour tenter de faire taire leurs détracteurs. Jugement attendu le 7 mars.

Desmé Daniel