Publié le Mercredi 18 septembre 2019 à 11h32.

Les 50 000 grévistes de General Motors peuvent gagner !

Par NPA Auto Critique. La grève des 50 000 travailleur(s)es des usines General Motors se poursuit.

Tous les 4 ans, le syndicat américain UAW négocie les contrats de travail – salaire,et prestations sociales- avec les trois « grands » constructeurs, GM, Ford et Chrysler devenu Fiat-Chrysler. Les négociations sont d’abord menées avec l’une des trois firmes.et cette année, c’est avec GM qu’elles ont débuté.Particularité nord-américaine : ces trois firmes ne peuvent employer que des membres du syndicat pour lesquelles les négociations couvrant salaires et avantages sont menées par le syndicat.

L’appel à la grève de l’UAW intervient dans ce contexte. Le précédent contrat expirant le 14 septembre 2019, il n’y pas eu d’accord conclu avant cette date et le nouvel éventuel accord devra être ratifié par une majorité des 50 000 salarié(e)s de GM.

L'article ci dessous a été publié sur le site “labornotes”1 donnant le point de vue de militants syndicaux de base aux Etats-Unis. Il décrit la réalité d'une grève appelée par l'UAW à la direction bureaucratisée et corrompue, l'intransigeance scandaleuse de GM , et les possibilités qu'offre cette grève pour que les travailleurs du rang prennent l'initiative.

 

Les grévistes de GM ont une possibilité : Voter Non

Les travailleurs/euses de General Motors, en grève depuis le 15 septembre à minuit, sont entre le marteau et l'enclume : une entreprise extrêmement rentable qui réclame des concessions scandaleuses aux salariés, et une direction syndicale qui n'a rien prévu pour gagner une grève et qui n'a même pas expliqué à ses membres les buts revendicatifs du mouvement. Les pancartes distribuées indiquent simplement “UAW en grève”.

Au cours des dernières décennies, de nombreux syndicats ont appris comment mener des campagnes et des grève. Mais si l'on regarde la confrontation d’aujourd’hui de l'UAW avec GM , on pourrait penser qu'aucun enseignement n'en a été tiré. Aucun matériel n’est distribué dans les usines. Les membres n'ont pas entendu un mot des dirigeants au sujet des objectifs de la négociation. Il n'y a pas eu de consultation auprès des ouvriers, pas de « journal » des négociations de négociation pour tenir les membres au courant.

Et pourtant, les 49 000 membres de l'UAW sont assez en colère contre l'arrogance et l'oppression de General Motors pour être prêts à frapper.

GM réclame aux salariés de nouveaux sacrifices

Une instance locale dans l’usine de Flint dans le Michigan a enfreint l'embargo imposé par la direction du syndicat. Elle a informé des positions de GM lors des négociations : une augmentation des salaires inférieure à l’inflation et que les salariés paient plus pour l'assurance maladie. Pire, elle ne veut pas toucher à son odieux système à plusieurs niveaux de salaires2. Dans la même usine les travailleurs « temporaires » sont sans droits, et les salariés de sous traitants externes comme GM Subsytems - directement crée par la firme - sont moins payés.

Beth Baryo, une ancienne intérimaire dans l’usine de Burton - Michigan, explique que les intérimaires sont autorisés à manquer seulement trois jours de travail par an, non rémunéré, avec l'approbation préalable, et peuvent être contraints de travailler sept jours par semaine. Au GM Tech Center, aux environs de Détroit, il y a 1300 travailleurs employés par GM et 550 employés par Aramark, faisant un travail qui exactement celui des travailleurs de GM.

GM a été renfloué par les contribuables à hauteur de 50 milliards de dollars en 2009. Elle a réalisé des bénéfices de plus de 4 milliards de dollars l'an dernier, tout en ne payant aucun impôt fédéral sur le revenu, et en versant 22 millions de dollars au PDG Mary Barra.

Le fait que GM exige des concessions de la part de ses employés surchargés de travail est un signe qu'elle pense que l’UAW est un ennemi facile à contourner. Il est vrai que la direction de l’UAW est minée par la corruption. Les habitations de deux dirigeants ont été perquisitionnées au mois d’août dernier par le FBI dans le cadre d’une enquête pour l’utilisation des fonds du syndicat à des fins d’enrichissement personnel.

Un militant de l’usine de Flint indique alors que la grève démarrait : « Oui, l'UAW est corrompue. C'est dégueulasse au-delà de ce qu’on pourrait croire. C'est nous GM que attaque. Nous nous donnerons les moyens de nettoyer le syndicat. Mais nous avons aujourd’hui un combat plus immédiat à mener contre GM aujourd’hui. »

Dire non à tout mauvais accord

Avec des dirigeants discrédités mais refusant de laisser la place, les grévistes de GM ont un outil à utiliser : leur droit de voter non, de refuser un mauvais accord entre GM et la direction de l’UAW. Ils peuvent faire ce que les travailleurs de Chrysler ont fait en 2015 : s'organiser pour refuser un contrat qui pérennisait le système de salaires à deux niveaux.

En 2015, les travailleurs/euses de base de Chrysler, sans soutien syndical, ont réalisé des tracts et des T-shirts, créé des groupes Facebook pour partager leurs histoires, et se sont rassemblés en dehors des réunions officielles du syndicat.

Ils ont réalisé ce que personne ne pensait possible dans L'UAW. Ils ont refusé par leur vote le projet de contrat et ainsi obtenu une victoire partielle. L'offre de Chrysler a été améliorée, permettant aux aux travailleurs du deuxième niveau d’être augmentés pour passer à plein salaire - bien que toujours sans pensions de retraite ni avec même régime de soins de santé.

Peu de temps après ce vote chez Chrysler, peut-être encouragé par le “non”, les techniciens qualifiés de GM ont rejeté leur contrat à près de 60% et ont gagné quelques améliorations. En revanche, les ouvriers de la production avaient voté oui par 58% Mais ce que les constructeurs ont lâché d'une main ils ont repris de l’autre.

« Je vote non sur toute proposition de contrat qui n’ouvre pas une voie vers l’égalité entre tous les travailleurs membres de GM / UAW. C'est un principe sacré. C'est le sens même du mot union. Cette opportunité de gagner pourrait ne pas se reproduire.” Voilà ce qu’a déclaré ce militant de l’usine de Flint.

  • 1. Labor Notes est un média accessible sur internet voulant être, depuis 1979, le porte parole de militants syndicaux qui veulent remettre le mouvement ouvrier en situation de lutte. Ils encouragent les stratégies offensives contre les concessions cédées au patronat et les alliances entre centre de travailleurs et syndicats animés par leurs membres eux-mêmes. Des militant(e) du groupe politique Solidarity contribuent régulièrement à Labornotes. Un article présentant les conditions d’ouverture de ces négociations dans l'industrie automobile US avait été publié sur les sites de Labornotes et de Solidarity début août 2019. par Diane Feeley. La traduction en français de cet article avait été mise ligne sur ce blog.
  • 2. Le système de salaires à deux vitesses a été mis en place dans l’industrie automobile nord américaine en 2007. Les nouveaux embauchés touchent un demi salaire comparé à celui des embauchés d'avant 2007. Parfois l’assignation à ce salaire de deuxième niveau est permanente. En 2007, l'UAW avait accepté que chacun des 3 grands constructeurs automobiles ait ainsi le droit d'embaucher de nouveaux travailleurs à la moitié du taux normal. Mais ce système de salaires à deux vitesses devait se limiter à certains types d’emploi et ne devait pas dépasser 20 % de l’effectif total. Dès ce seuil de 20 % atteint, on devait repasser dans la catégorie des salaires traditionnels. Mais avec les faillites de GM et Chrysler en 2009, les nouveaux salaires d’embauche ont été fixés à environ 14 $ l'heure sans possibilité d’accéder dans le futur au salaire à taux plein, sans droit à la retraite, et sans augmentation ni prime pendant 6 ans.Ce systéme inique s'est pérennisé.