En Belgique, à partir des premières phases de déconfinement, le gouvernement et le Conseil national de sécurité ont introduit le concept de la « bulle familiale ». Celle-ci s’est soit rétrécie, soit élargie au fil des rebonds ou reculs de la pandémie.
La « bulle » c’est le noyau familial habitant sous le même toit, auquel s’ajoutent d’autres contacts rapprochés au sein de la « bulle élargie », toujours les mêmes, pendant une période donnée. Cette « extension » de la bulle familiale a été fixée à cinq personnes dans un premier temps, portée à dix dans un deuxième et ramenée à cinq dans un troisième. Vous suivez ?
Innombrables interrogations
Pour la plupart des gens, ces définitions ont provoqué d’innombrables interrogations : comment interpréter ces règles pour les familles recomposées, les gardes alternées, les amis inclus dans d’autres bulles, la notion de « fête privée » – un barbecue au jardin = 10 personnes maximum, enfants compris, avec distanciation sociale – tout cela faisait l’objet de suppositions à n’en plus finir. Les experts eux-mêmes n’étaient pas tous sur la même longueur d’onde. L’un, le virologue Marc Van Ranst, estime que les mesures de restriction à cinq constituent la dernière chance d’éviter un re-confinement généralisé. Yves Coppieters, épidémiologiste et professeur à l’École de Santé publique (ULB), très présent sur les plateaux télé, ne partage pas cet avis « car on ne connaît pas du tout l’efficacité de cette limitation de la bulle à cinq personnes. Surtout, on ne sait pas si la population va adhérer à cette règle. Je vous rappelle que la bulle de 15 par semaine était déjà dure à respecter pour certains. Ici on parle de cinq personnes par foyer pour quatre semaines, c’est donc beaucoup plus long. Est-ce que l’adhésion de la population sera suffisante, je n’en suis pas sûr. »
Travail, famille, patrie ?
Cette bulle a sans doute permis au gouvernement de détourner l’attention de sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire et de la catastrophe que représentent les plus de 10 000 décès, dont plus de 60 % dans les Maisons de retraite et de soins.
Toutes ces mesures confuses ont déplacé la responsabilité de la propagation du virus sur les citoyenEs et les familles. Dans le même temps, on a repris au pas de charge l’activité économique, en commençant par les secteurs industriels et de la grande distribution sans réels contrôles sur l’application des protocoles sanitaires négociés dans les secteurs et les entreprises.
Depuis la rentrée, les chiffres de contaminations sont repartis à la hausse en Belgique. Selon l’Agence flamande des soins et santé, l’analyse des contacts et des sources de contamination montre qu’il y a un lien direct entre ces chiffres à la hausse, la rentrée scolaire et le redémarrage des entreprises après les grandes vacances.
Depuis le début de la pandémie, les gouvernements, le Conseil national de sécurité et le patronat ont délibérément sous-estimé le risque de contamination sur les lieux de travail, dont il est pourtant aujourd’hui prouvé qu’ils sont un des vecteurs du virus. Pour eux, la production a priorité sur la santé des travailleurEs. L’administrateur-délégué de la FEB (Fédération des entreprises de Belgique, l’équivalent du Medef) n’a pas hésité à déclarer que « l’endroit où vous travaillez est peut-être le lieu le plus sûr pour ne pas être contaminé ».
« Concernant les activités professionnelles, le télétravail, lorsqu’il est possible, reste à privilégier » déclarait la Première ministre lors des dernières annonces de mesures, ce dont se réjouissent aussi les entreprises qui ont constaté une nette augmentation de la productivité parmi ceux qui ont télétravaillé au cours de la période de confinement. Et encore une fois c’est un déplacement des responsabilités des travailleurEs vers le cadre familial – particulièrement pour les femmes.