Chaque fois que l’on vote en Italie, on dirait que le monde va s’écrouler. Les récentes élections régionales du 26 janvier en Émilie-Romagne (région depuis toujours gouvernée par le vieux PCI puis par le centre gauche) et en Calabre, n’ont pas calmé cette angoisse, accrue, depuis au moins dix ans, par l’instabilité du comportement électoral : il fluctue entre participation et abstention, selon les cas de figure.
Lors des élections politiques de 2018, cette instabilité avait fait monter le niveau du Mouvement Cinq Étoiles, et elle l’a fait baisser aujourd’hui dans les mêmes proportions : en Émilie-Romagne, de 27,5 % en 2018, il est tombé à 3,5 % ; sa chute en Calabre est encore plus -impressionnante : de 43,4 % à 7,3 %.
Opposition binaire
Le système électoral du vote majoritaire, en vigueur dans ces deux régions, a favorisé un choix fondé sur une opposition binaire : être avec Salvini et sa droite souverainiste et raciste, ou contre lui. Cela a avantagé les deux grandes coalitions : le centre-gauche ressuscité a gagné en Émilie-Romagne, stoppant l’assaut mené par Salvini avec une campagne électorale frénétique, envahissante et oppressante. Le climat de tension suscité par la propagande salvinienne a secoué l’électorat endormi, déçu par les Cinq Étoiles et, avec l’aide du très récent mouvement des Sardines, a provoqué une hausse de la participation électorale : d’environ 38 % en 2014 à 67,7 % aujourd’hui. Cela a tourné à l’avantage du Parti Démocrate qui remonte à 34,7 %, talonné par la Ligue à 31,9 %, suivie par Fratelli d’Italia à 8,6 % et par Forza Italia, de Berlusconi, en perte de vitesse (2,6 %). Le résulat en Calabre, précédemment administrée par le centre gauche, est à l’opposé et la région passe au centre droit qui obtient un net succès : plus de 55 % des votes pour la candidate de la coalition. Pesante défaite du centre gauche avec un peu plus de 30 % des voix. Là, la Ligue atteint 12,2 %, Fratelli d’Italia 10,9 % tandis que Forza Italia, en plus de ses 12,3 %, était présente sur deux autres listes qui ont totalisé 15 %.
Proposer une vision alternative
La peur est l’élément qui a influencé le vote des deux camps : déception, découragement, sentiment de défaite, déclassement, hargne, rancœur, rage vindicative. Il s’agit de masses de votantEs qui ne réclament pas de transformations et qui, même, les craignent parce qu’il manque depuis longtemps un véritable mouvement social et syndical actif, indépendant des forces politiques internes au système capitaliste, capable d’unir l’ensemble des travailleuses et des travailleurs sur des objectifs communs, alternatifs aux politiques patronales. S’il est juste de craindre Salvini, ce qui manque, c’est le courage de proposer une vision alternative et de lui redonner une crédibilité.
En fait, c’est la gauche d’alternative qui en a fait les frais (comme depuis trop longtemps), écrasée par la menace de la droite, sans aucun élément de lutte sociale qui puisse soutenir sa proposition politique, faible par ailleurs, disposant donc d’une crédibilité proche de zéro dans le conflit global : elle a au total atteint 1 % en Émilie-Romagne et elle n’était pas présente en Calabre. Il ne reste donc dans le champ politique que l’idée insurmontable que l’on doit choisir la meilleure façon de gouverner avec le capitalisme parce que, dans l’état actuel des choses, il n’existe pas d’alternative, mais seulement une bonne administration des choses, avec un langage poli et apaisant, comme le disent les dirigeants auto-proclamés des Sardines.
Traduit de l’italien par Bernard Chamayou