Publié le Lundi 31 octobre 2011 à 09h58.

Les étudiants chiliens ont fait exploser la Concertation néolibérale

Le mouvement des étudiants au Chili a été pour la Concertation – alliance ayant gouverné de 1990 à 2010 et regroupant notamment le PS Ch, le Parti démocrate-chrétien et le Parti pour la démocratie (PPD) – et pour le néolibéralisme post-Pinochet, ce que la chute du mur de Berlin a été pour les régimes staliniens d’Europe de l’Est. Les six mois de manifestations régulières, au moins chaque jeudi, ont provoqué la crise du gouvernement de Piñera (alliance de la Rénovation nationale (RN) et de l’Union démocrate indépendante (UDI)) ayant succédé à celui de Michelle Bachelet. Ils ont également fait exploser le cartel des partis de la Concertation. Le contexte de la crise mondiale du capitalisme, déclenchée en 2008 aidant, le mouvement a réussi à délégitimer les politiques néolibérales subies par la population chilienne et qui perdurent depuis 38 ans.

Les représentants des étudiants ont quitté le 5 octobre la troisième table de dialogue avec le ministre de l’Éducation, Bulnes, après avoir constaté une fois encore que le gouvernement leur avait sorti les mêmes propositions qu’ils avaient déjà refusées. Cette réunion, à laquelle le président Piñera n’a pas assisté, contrairement à ses engagements, s’est déroulée en fin d’après-midi, après la forte répression de la manifestation qui avait eu lieu dès 10 heures du matin. 

Après trois heures de réunion, l’ACES (Assemblée coordinatrice des lycéens), la CONES (Coordination des lycéens) et l’ACETP (Assemblée coordinatrice des étudiants des lycées technico-professionnels) furent les premières à se retirer de la réunion organisée avec le ministre de l’Éducation. Il s’agit-là de la composante la plus radicale et la plus nombreuse, celle qui inclut les classes sociales les plus populaires pour lesquelles s’en sortir socialement par la formation est le plus critique. Plus tard, ce sont les étudiants de la CONFECH (Confédération des étudiants du Chili) qui ont abandonné la réunion avec le gouvernement. La porte-parole de la CONFECH, Laura Palma, a déclaré que le gouvernement cherche « à perpétuer le même système d’endettement [pour financer les frais d’inscription] et à renforcer le système [d’éducation] privé ». Ce sont là deux points fondamentaux des revendications.

José Ancalao, porte-parole de la Fédération mapuche des étudiants (FEMAE), a indiqué qu’ils « étudient [la possibilité de] garantir l’éducation gratuite [pour tous] avec l’argent du cuivre [le Chili étant le premier producteur mondial] et une réforme fiscale ». 

Après cette rupture du dialogue avec le gouvernement opérée par les lycéens et les étudiants, la manifestation du 6 octobre a été encore plus réprimée que celle de la veille. La police s’est attaquée non seulement aux étudiants, mais aussi à la presse audiovisuelle et aux photoreporters. Désormais, depuis que les étudiants ont réussi à écarter le ministre de l’Éducation Lavin, le 18 juillet dernier, l’aile la plus fondamentaliste du gouvernement, l’UDI, a renforcé ses positions dans la politique gouvernementale contre les étudiants.

Une nouvelle manifestation nationale a eu lieu le jeudi 13 octobre. Le soir, trois porte-parole de la CONFECH, Camila, Giorgio et Francisco, ainsi que Gabriel Iturra d’ACES ont pris l’avion pour l’Europe pour faire appel à la solidarité internationale et dénoncer la répression auprès des organismes internationaux à Paris, Bruxelles et Genève. À Paris, un quatrième porte-parole de la CONFECH, Sebastian Farfan, les a rejoints. Celui-ci fait partie, avec Francisco Figueroa, de la majorité de la CONFECH (la minorité étant représentée par Camila Vallejo des Jeunesses communistes et par Giorgio Jackson, indépendant et proche de l’ex-Concertation).Ces 18 et 19 octobre, de nouvelles manifestations ont montré que le mouvement, loin de se démoraliser, se radicalise face à l’intransigeance gouvernementale. Il s’appuie sur le soutien de 93 % de la population et sur les résultats de la Consultation citoyenne nationale des 7, 8 et 9 octobre, à laquelle ont participé 1 027 569 Chiliens dans les urnes et 394 873 par Internet. 87,15 % des votants se sont exprimés pour le OUI à une éducation gratuite, publique et sans profits. Seulement 11,2 % d’entre eux se sont prononcés pour le NON. La demande d’instaurer un plébiscite au Chili a rencontré un vif succès. Le mouvement a pour objectif de changer la Constitution pinochetiste toujours en vigueur. La CONFECH a confirmé son appel à manifester les 5 et 6 novembre prochains autour du Congrès national à Valparaiso.

Patricio