Publié le Mercredi 29 avril 2015 à 11h41.

Libye : le chaos et les responsabilités de la France

À l’occasion du sommet européen imposé par le drame des naufragés, Hollande s’est voulu critique en déclarant qu’il fallait « réparer les erreurs du passé » en Libye. Il ne manque pas de culot et de cynisme, lui qui, il y a peu, y envisageait une nouvelle intervention...

En 2011, il avait bien sûr soutenu Sarkozy, Cameron et leur allié qatari lors de l’aventure militaire. Une intervention commanditée par les USA sous l’égide des Nations unies.Hollande veut aussi se donner bonne figure en qualifiant les passeurs de « terroristes » ou, comme Renzi, d’« esclavagistes ». Les mots ne coûtent rien, mais si aujourd’hui plus de 90 % des immigrés qui gagnent l’Italie viennent de Libye ou transitent par la Libye, c’est bien le produit de la politique libérale et impérialiste des grandes puissances. C’est elle qui a engendré le chaos, semé la guerre, la misère, détruit l’économie en Libye comme en Irak, en Syrie, dans la région du Sahel ou aujourd’hui au Yémen.Ce chaos nourrit les groupes intégristes, terroristes, qui enrôlent des hommes sans autres possibilités de survie, en les embrigadant au nom de la religion pour participer, eux-aussi, à leur niveau, à l’exploitation des masses déshéritées, sans ressources, désespérées. Présent en Syrie, en Irak et dans le Sinaï égyptien, l’État islamique a pris pied en Libye en profitant du désordre dans un pays livré aux milices. Il ne laisse pas le choix : se soumettre, payer, ou risquer de mourir.De nombreux Éthiopiens, dont les 28 chrétiens éxécutés par Daech le 19 avril, ont quitté leur pays pour aller chercher du travail en Libye ou dans l’espoir de rejoindre l'Europe. La main-d’œuvre étrangère était nombreuse en Libye avant que le pays ne s’effondre après la chute de Kadhafi.

Concurrence et frontière nationalesCe n’est pas au secours du peuple libyen qu’ont volé, en 2011, les Mirage français, Eurofighter britanniques, F16 américains. Les grandes puissances se sont précipitées pour tenter d’étouffer l’incendie des révolutions arabes.Tous les moyens furent alors bons pour mettre en place un contre-feu, en renversant le dictateur avant que la population ne s’en charge, en s’appuyant sur toutes les autres forces réactionnaires, les démagogues sachant manier la parole d’Allah, pour faire taire toute contestation sociale. Ces dernières ont ensuite formé les milices rivales qui pillent la population.« Si le monde reste indifférent à ce qui se passe en Libye, alors, même si on met davantage de moyens, davantage de surveillance, davantage de présence en mer, davantage de lutte contre les terroristes, il y aura toujours cette cause terrible qui est le fait que ce pays n’est plus dirigé, n’est même plus gouverné, il est dans le chaos », dit Hollande. Ce chaos est la conséquence de la politique des grandes puissances, dont la France. Plus de surveillance, plus de moyens policiers et militaires, voire une nouvelle intervention ne peuvent que l’aggraver.Les conséquences dramatiques de leur politique explosent à la face du monde, de leur monde capitaliste qui dresse les travailleurs les uns contre les autres sur le terrain du marché du travail mondialisé tout en cherchant à les enfermer dans des frontières. La conflagration ne peut trouver d’issue que dans lareprise du processus des révolutions du monde arabe, la solidarité des travailleurs de tous les bords de la Méditerranée.

Yvan Lemaitre