La France et la Grande-Bretagne se présentent côte à côte, par delà les affres du Brexit. Le roi peut bien planter un chêne à Versailles, la complicité des deux chefs d’État est ailleurs…
C’est vrai, huit années et des dizaines de milliards de vente d’armes de BAE Systems, Thales, Dassault, au super-flic du Moyen Orient — la monarchie absolue saoudienne — pour les besoins de sa guerre atroce au Yémen, entretiennent l’amitié dans l’émulation, certes concurrentielle, face au premier acheteur d’armes au monde.
À l’arrière-plan, on entend le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, justifier sa décision d’ajournement jusqu’à 2030 des mesures d’interdiction de vente des voitures essence et diesel. De telles mesures induiraient, selon lui, « des coûts inacceptables » pour les gens ordinaires.
Il y a du « positif » dans cette prudence conjuguant le raisonnable à la considération pour les gens ordinaires : les températures de 41 degrés à Londres (et des régions du monde qui deviennent inhabitables), sur fond d’aggravation incessante de la pauvreté et de prolifération des banques alimentaires, ou d’effondrement du service national de santé ne seraient pas des « coûts inacceptables ». Cette précision du Premier ministre britannique, lui-même classé devant le roi dans le palmarès annuel des plus grandes fortunes du pays, pouvait toutefois être nécessaire.
Pouvoir fossiliste : une multinationale et son Premier ministre
L’élément de raison, donc, ne doit pas nous échapper. L’ajournement décidé par Sunak duplique à l’échelon gouvernemental les orientations déjà prises par le secteur pétrolier. En février dernier, British Petroleum annonçait réviser à la baisse ses projets de réduction de production d’hydrocarbures : en mai 2022, BP avait déclaré un objectif d’abaissement de 40 % de sa production d’ici 2030 par rapport à son niveau de 2019. En février 2023, BP fit savoir que la réduction visée ne serait plus de 40, mais de 25 %.
Aucun mystère : depuis — et grâce à — la guerre en Ukraine, BP a réalisé les profits les plus élevés de son histoire. En 2022, avec 28 milliards de livres sterling (plus de 32 milliards d’euros), l’entreprise a plus que doublé son résultat de l’année antérieure, faisant de 2022 l’année la plus rentable depuis sa création, 114 ans plus tôt. Conjoncture identique pour l’autre géant pétrolier britannique, Shell : 40 milliards en 2022, année record depuis sa fondation il y a 115 ans.
Accessoirement, Sunak, tout comme l’éphémère Liz Truss avant lui, ont tous les deux des histoires de liens personnels directs et étroits respectivement avec Shell et BP. Si le fin mot de l’affaire n’est pas là, ce détail en dit long sur les porosités constitutives du bloc de pouvoir actuel.
Début juillet, en amont du faste des cérémonies d’accueil d’un monarque puis d’un pape au mois de septembre, Macron aura quant à lui eu la bonne idée de décorer de la Légion d’honneur le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné. Autant de signaux de ce qu’il faut attendre d’une « transition climatique » aux mains du parti fossiliste franco-britannique.