Le 20 juillet dernier, une grande journée de mobilisation était organisée dans le Rif, en rébellion depuis plusieurs mois contre le pouvoir marocain.
Le 20 juillet est une date anniversaire, celle de la bataille d’Anoual en 1921 où les insurgés rifains infligeaient par des tactiques de guérilla une défaite cinglante aux troupes coloniales espagnoles. Dans la mémoire collective, cette date effacée de l’histoire officielle est celle de la lutte et de la possibilité de victoire contre le monde militarisé des puissants.
Barrages et checkpoints
Annoncée depuis plusieurs mois comme un rendez-vous central, un appel des comités locaux du Hirak (mouvance) populaire de tout le Rif en a fait un enjeu particulier, compte tenu du contexte répressif depuis fin mai et l’état d’exception imposé. Il s’agissait de s’appuyer sur l’arrivée de la diaspora rifaine mobilisée à l’étranger depuis plusieurs mois, de faire la démonstration que la mobilisation était bien vivante dans tout le Rif et que s’exprime nationalement la solidarité avec la lutte populaire engagée depuis huit mois.
L’essentiel de la gauche sociale et politique a soutenu la participation à la manifestation nationale à Al Hoceima. Tout annonçait une forte participation. L’entrée en grève de la faim des détenus du Hirak le 17 juillet mettait en avant la lutte pour leur libération immédiate et inconditionnelle. D’une manière prévisible, le pouvoir a interdit la manifestation et organisé un contrôle permanent des accès à la ville. Les forces de l’ordre ont mis en place des « checkpoints » dans les rues, les avenues, à proximité des places publiques, pour empêcher tout début de manifestation dans les quartiers et encore moins une jonction sur un axe central. Beaucoup de manifestantEs solidaires, venus de l’extérieur, ont été bloqués après des contrôles minutieux. Le blocage des routes a contraint des centaines d’habitantEs du Rif à rejoindre la ville parfois en marchant des dizaines de kilomètres par les montagnes ou à arriver par la mer… sur des barques.
Violents affrontements
La grève générale a été suivie massivement l’après-midi. Vers 17 heures, heure du début de la manifestation, les premiers attroupements ont été violemment dispersés et matraqués. Dès lors, pendant plusieurs heures un scénario identique s’est répété sans cesse dans toute la ville : rassemblement, gaz lacrymogène (fourni par l’État français), charge, dispersion, rassemblement… Malgré l’obstination des policiers et leur violence inouïe, les manifestantEs n’ont pas cédé et ont fait preuve d’une grande détermination et ingéniosité pour se rassembler et une grande manifestation a pu se mettre en place… avant d’être à nouveau dispersée sauvagement. Le pouvoir a été obligé d’envoyer de nouveaux renforts en hommes et en matériel. Des dizaines de blesséEs sont à déplorer et un jeune manifestant est dans un coma profond, sans compter les arrestations. À noter que des affrontements plus violents ont eu lieu dans les villes et villages (Ajdir, Imzouren, Beni Bouayach) entourant Al Hoceima.
Ce qui ressort de cette journée est la volonté claire et nette du pouvoir d’aller à l’affrontement avec la volonté d’écraser moralement et politiquement la contestation. Mais ce qui ressort aussi est l’enracinement profond de celle-ci et la disposition des masses à se battre. La coopération sécuritaire avec la monarchie permettant à cette dernière de réprimer à sa guise avec tous les moyens fournis par l’État français doit cesser. De même, une campagne internationale de solidarite avec la rébellion rifaine exigeant la libération des détenus, l’arrêt de la répression et le soutien aux revendications populaires, doit se renforcer. Le combat est loin d’être fini.
Chawqui Lotfi