Publié le Mercredi 28 mars 2012 à 08h30.

Maroc, nouveau tournant répressif

Apparemment, le climat de « tolérance » envers les protestations populaires imposé par la tempête révolutionnaire venue d’Orient et le désarroi du régime s’est transformé en climat de répression. Cette « exception marocaine » tant prônée par les « amis » du Roi, signifiait en fait que les revendications et les luttes étaient encore à un stade primaire, et ne constituaient pas une menace directe pourla monarchie qui tentait une répression sélective pour ne pas accélérer la radicalisation et l’explosion sociale. Ce qui lui a permis de conduire aisément son chantier de pseudo-réformes en octroyant une Constitution de sa majesté, en renouvelant le Parlement des dignitaires par des élections biaisées, et en instituant un gouvernement des « barbus » dociles. La combativité du Mouvement du 20 Février, sa continuité de plus d’une année et les protestations populaires larges qu’il a stimulées, n’ont pas forcé le pouvoir à donner de concessions substantielles. Le rapport de forces global reste en faveur du pouvoir qui a ordonné à son gouvernement de « restaurer le prestige de l’État » et « libérer » les places publiques et les rues des sit-in et des marches.

Commence alors une campagne de démolition systématique des constructions pauvres considérées comme « anarchiques » dans les quartiers marginalisés à travers tout le Maroc, avec des interventions barbares, des arrestations et des condamnations. Les diplômés chômeurs sont violemment pourchassés presque quotidiennement dans les rues de toutes les villes. Un état de siège est imposé aux régions comme Taza et Le Rif qui ont connu des révoltes populaires contre l’arbitraire. Les activistes du Mouvement de 20 Février subissent aussi des harcèlements systématiques et une marche syndicale est brutalement dispersée à Rabat. Les prisonniers politiques ont entamé des grèves de la faim dans différentes prisons du pays. Le tournant répressif s’est manifesté également par un retour du délit d’atteinte à la sacralité du roi et la restriction de la liberté de la presse.

Cette nouvelle vague de répression témoigne de l’incapacité du régime à satisfaire les revendications sociales et démocratiques du peuple marocain. La marge de l’État se trouve réduite avec le suivi des politiques économiques et sociales néolibérales dictées par les IFI (institutions financières internationales) dans un contexte de crise généralisée du capitalisme.

Le palais est au cœur de l’économie marocaine avec son holding tentaculaire ONA, et les politiques de l’État sont souvent modelées pour favoriser l’épanouissement de ses affaires. Le despotisme a des racines matérielles profondes. Il tire aussi sa légitimité relative d’un système de clientélisme puissant et bénéficie d’un consensus de la part des partis d’opposition libérale institutionnelle, des islamistes modérés et de la bureaucratie syndicale qui entame actuellement une offensive surtout au sein de l’UMT pour chasser les militants de gauche du syndicat. C’est un feu vert au régime pour poursuivre le démantèlement des acquis et mettre les luttes ouvrières à la défensive.

Et justement, c’est dans l’éparpillement des fronts de protestations et l’absence de leur coordination que réside le point faible des mobilisations en cours. Face à un pouvoir central et armé, les luttes n’aboutiront pas sans une accumulation continue d’expériences et la création des ponts solides entre elles. C’est un défi pour la gauche radicale de jouer ce rôle de centralisation et de coordination des différents combats dans une guerre de classe pour conquérir la démocratie et la justice sociale.

Ziyad. Al Mounadil-a, le 19 mars 2012