Publié le Jeudi 3 mars 2011 à 13h21.

Non au mandat d’arrêt européen ! Après Aurore Martin, huit jeunes de Segi

Ce sont aujourd’hui huit jeunes du mouvement de jeunesse Segi qui risquent d’être sous le coup d’un mandat d’arrêt européen. En fait, c’est déjà le cas pour l’une d’entre eux, Alaia Zaldivar.Segi est une organisation qui, comme Batasuna, lutte pour un « Pays basque indépendant et socialiste » et présente la même particularité d’être interdite dans l’État espagnol mais légale dans l’État français. Segi a subi plusieurs rafles ces derniers temps au Pays basque Sud. Des dizaines de ses militantEs ont été arrêtéEs, placéEs cinq jours au secret avant de passer devant le juge, puis nombre d’entre eux ont été incarcéréEs. Beaucoup ont été torturéEs. Sous prétexte de lutte contre le terrorisme, ces militantEs sont poursuiviEs pour leurs activités politiques publiques.Certains sont venus se réfugier au Pays basque Nord pour fuir la torture et également pour continuer à militer. Après que le mandat d’arrêt européen (MAE) émis à leur encontre par l’Audience nationale de Madrid (véritable juridiction d’exception) a été validé par la « justice » française, ils ont été systématiquement remis aux autorités espagnoles.Les huit jeunes actuellement réfugiés au Nord ont rendu publique leur situation durant une semaine de mobilisation dans une salle à Ispoure, fin février : rencontres avec des militantEs politiques, syndicaux, associatifs venus exprimer leur solidarité ; soirées débats sur la torture, sur les mouvements politiques de jeunes ; rassemblements quotidiens à 12 heures et 19 heures. Avec le collectif contre le MAE (composé pour l’heure de Abertzalen Batasuna, Anaiartea, Askatasuna, Batasuna, CDDHPB, LAB, NPA, Segi, Solidaires), ils ont tenu des conférences de presse pour dénoncer la répression et les tortures, exiger l’arrêt des poursuites envers les militants politiques, ainsi que l’abrogation du mandat d’arrêt européen.Les États espagnols et français accentuent la répressionAlors que la gauche abertzale se prononce clairement en faveur d’une résolution politique et démocratique du conflit au Pays basque, alors qu’elle a déposé officiellement une demande d’inscription d’un nouveau parti, Sortu, qui s’inscrit dans le cadre légal et rejette toute forme de violence dont celle de l’ETA, le gouvernement espagnol maintient la voie répressive. L’Audience nationale permet et instrumentalise la torture, dénie toute liberté de réunion et d’expression à la gauche indépendantiste. Le mandat d’arrêt européen est l’instrument « légal » qui couvre cette réalité.Le ministre de l’Intérieur espagnol, Rubalcaba, refuse la création de Sortu car, dit-il, ce parti est issu de l’organisation illégale Batasuna. Il a envoyé les statuts du nouveau parti au parquet, avec les rapports de police correspondants, et c’est « la justice qui tranchera ». Mais le parquet a annoncé qu’il lui demanderait de refuser d’inscrire Sortu au registre des partis politiques. 40 000 personnes ont manifesté à Bilbao, le 19 février, en faveur de la légalisation de Sortu, des dissensions se font jour dans le Parti socialiste : ainsi Jesus Eguiguren, président du Parti socialiste d’Euskadi, penche pour la légalisation. Mais il est douteux que le nouveau parti puisse participer aux prochaines élections de mai.C’est dans ce cadre général qu’il faut situer le MAE, effectivement utilisé pour museler des oppositions politiques dérangeantes, en l’occurrence les organisations indépendantistes basques et, au-delà, leur milieu. Il faut souligner la duplicité de l’État français : il autorise sur son territoire les activités politiques de Batasuna et Segi qui ont pignon sur rue, participent aux élections, etc. Par contre, en validant les MAE délivrés par Madrid, il avalise sur le territoire espagnol la répression de ces mêmes faits, légaux en France. Plus, il cautionne une législation d’exception avec pratique de la torture, situation dénoncée par des organisations comme Amnesty International, Human Rights Watch… Le MAE n’est rien d’autre que l’instrument juridique qui tente de masquer cette hypocrisie politique. Utilisé systématiquement au Pays basque, il peut l’être aussi contre tout militant politique ou syndical de l’espace européen. Nous ne pouvons laisser faire, il faut généraliser la mobilisation pour son abrogation et gagner cette bataille.La campagne pour l’arrêt des poursuites envers les militants basques va s’intensifier dans les semaines et mois à venir. Il s’agit d’en finir avec les juridictions d’exception et d’obtenir le droit élémentaire à l’expression politique. Au-delà, il s’agit aussi de faire respecter un droit démocratique fondamental, le droit à l’autodétermination, qui est aujourd’hui dénié au peuple basque.Claude Larrieu

Dernière minute : alors que des éluEs avaient déclaré publiquement le 26 février qu’ils accueilleraient chez eux les jeunes de Segi, quatre d’entre eux ont été interpellés dans la rue deux jours plus tard. La police française n’a pas tardé à collaborer de façon honteuse, une fois de plus, avec les autorités espagnoles.